Nous sommes atteints d’une maladie incurable. Une irrésistible addiction. La maladie de l’image. Car nous ne parvenons pas à nous contenter de la réalité : nous avons besoin d’en faire et d’en voir des images. Mais à quoi servent toutes les images qui nous entourent ?
On ne sait pas quand ça a commencé, ni comment. Sur la paroi d’une grotte, sur la peau ou dans le sable. Plus probablement par des mains qui esquissent un tracé imaginaire dans les airs. Mais ce qu’on sait, c’est que dès son origine, l’homme a eu besoin de faire des images, de transformer le monde et ses évènements en images. Et qu’aujourd’hui, le discours alarmiste qui s’inquiète de la production toujours plus pléthorique d’images semble méconnaître ce besoin primordial : les images nous servent à faire l’expérience du monde.
L’image comme représentation. Représenter. C’est-à-dire, présenter à nouveau. Ou encore, présenter autrement. Mais pourquoi ? Pourquoi ne pas vivre sans appareils photos, caméras ni pinceaux ? Pourquoi ne pas ignorer les infos, les portfolios et les teasers ? De la grotte Chauvet à la sextape de Valbuena, les représentations peuvent répondre à quatre fonctions principales.
Se divertir
C’est peut-être le champ le plus large. L’image sert à nous distraire. Nous plonger dans une autre réalité. Et que cette réalité autre soit une oeuvre d’art ou une émission grand public ne change rien à l’affaire : de que nous voulons, c’est passer de notre réalité à une autre. Ce n’est pas tant que notre réalité soit si terrible, c’est juste que nous voulons oublier, nous oublier pendant un instant ou quelques heures. Mais alors, oublier quoi ? Bah, c’est assez évident : oublier que nous, ce qui nous entoure, tout ce que nous aimons, tout cela est périssable. Si par malheur, nous y pensions à chaque instant, la vie ne serait plus tenable.
Communiquer
Représenter sert à faire apparaître quelque chose qui n’est pas (ou plus) là. Eventuellement pour le présenter à quelqu’un qui, justement, n’était pas là. Ou ne l’a pas vu. Ou pas vu sous cet aspect-là. La représentation sert alors à échanger un point de vue. Poussée un peu plus loin, enrichie, assemblée avec d’autres représentations, elle peut se transformer en histoire, en reportage. Raconter. Pour témoigner ou divertir.
Expliquer
Grâce à la représentation, le monde peut devenir intelligible. A leur manière, sans peinture ni appareil photo, Copernic, Darwin, Freud élaborent de grands systèmes de représentations du monde. Qu’ils soient scientifiques plutôt qu’artistes ne les rend pas moins aptes à condenser le monde en images. Et leurs représentations sont si puissantes qu’elles deviennent (presque) universelles. Comme les grands mythes de l’humanité qui sont, eux aussi, des représentations.
Convaincre
Puisque la représentation donne corps à quelque chose qui n’est pas devant nos yeux, elle nous fait croire à quelque chose que nous n’avons pas vu ni vécu. Et en se substituant à la présence réelle, elle finit par acquérir plus de force que celle-ci. Elle peut alors nous convaincre de ce qui n’est pas. Elle devient propagande ou publicité. La représentation s’insinue alors partout. Avant même d’être du réel, les choses sont des images. Exemple : vous pensez voir une pastille de lave-vaisselle ? Pas du tout, c’est une représentation : voyez le bleu de la vague (de propreté) prête à déferler, ressentez la puissance concentrée de ce coeur rouge, cette courbe yin et yang qui nous amène à croire que nos assiettes sales retourneront à l’équilibre hygiénique.
Ce qui est intéressant, c’est que ces fonctions sont parfaitement poreuses : nous pouvons être divertis par une publicité aussi bien qu’une série TV peut nous expliquer le monde. L’homme est peut-être cet animal indéfectiblement lié à l’image : cette autre forme du langage.
Image de Une via
[…] Nous sommes atteints d’une maladie incurable. Une irrésistible addiction. La maladie de l’image. Car nous ne parvenons pas à nous contenter de la réalité : nous avons besoin d’en faire et d’en voir des images. Mais à quoi servent toutes les images qui nous entourent ? On ne sait pas quand ça a commencé, ni comment. Sur la paroi d’une grotte, sur la peau ou dans le sable. Plus probablement par des mains qui esquissent un tracé imaginaire dans les airs. Mais ce qu’on sait, c’est que dès son origine, l’homme a eu besoin de faire des images, de transformer le monde et ses évènements en images. Et qu’aujourd’hui, le discours alarmiste qui s’inquiète de la production toujours plus pléthorique d’images semble méconnaître ce besoin primordial : les images nous servent à faire l’expérience du monde. L’image comme représentation. Représenter. C’est-à-dire, présenter à nouveau. Ou encore, présenter autrement. Mais pourquoi ? Pourquoi ne pas vivre sans appareils photos, caméras ni pinceaux ? Pourquoi ne pas ignorer les infos, les portfolios et les teasers ? De la grotte Chauvet à la sextape de Valbuena, les représentations peuvent répondre à quatre fonctions principales. Se divertir C’est peut-être le champ le plus large. L’image sert à nous distraire. Nous plonger dans une autre réalité. Et que cette réalité autre soit une oeuvre d’art ou une émission grand public ne change rien à l’affaire : de que nous voulons, c’est passer de notre réalité à une autre. Ce n’est pas tant que notre réalité soit si terrible, c’est juste que nous voulons oublier, nous oublier pendant un instant ou quelques heures. Mais alors, oublier quoi ? Bah, c’est assez évident : oublier que nous, ce qui nous entoure, tout ce que nous aimons, tout cela est périssable. Si par malheur, nous y pensions à […]
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