Midia NINJA n’a peur de rien. Ce réseau de communication indépendant brésilien profite de la Coupe du Monde 2014 pour donner de la visibilité à leurs actions sociales. La diffusion de photographies des manifestations sur les réseaux sociaux permet à la contestation brésilienne d’avoir un impact visuel. On les a interviewés pour connaître leur fonctionnement.
► ► ► Cet article fait partie du dossier Coupe du Monde 2014 : argument visuel pour discours personnel
« Les photographies sont fondamentales pour nous aider à construire des récits puissants. Ils nous aident à enregistrer les caractéristiques épiques du moment historique que nous vivons » Midia NINJA
Les Midia NINJA sont les nouveaux guerriers-espions brésiliens de la diffusion d’information et ils n’ont peur de rien.
Leur objectif :
- Donner de la visibilité aux mouvements sociaux brésiliens
- Connecter ensemble les médias du Brésil et d’Amérique Latine
Leurs armes :
- Des mots, des photos, des réseaux sociaux
Particulièrement actif pendant cette période de Coupe du monde, le média profite de l’évènement pour attirer l’attention sur la situation sociale et économique du Brésil.
Décryptage du réseau.
Midia NINJA, c’est quoi, c’est qui ?
Midia NINJA est un média brésilien indépendant et alternatif proche des mouvements sociaux brésiliens. NINJA est un anagramme portugais signifiant Journalisme indépendant d’enquêtes et action (Independant Narratives Journalism and Action).
Créé il y a 6 ans, ce média publie des articles, des rapports, des documentaires et des enquêtes. Tous sont illustrés par des photographies. La lutte sociale et la volonté de transformations culturelles, politiques, économiques et environnementales constituent le fil directeur de toutes leurs publications.
En cette période de Coupe du monde, l’enjeu est de taille : l’argent du Brésil a été dépensé dans des projets colossaux, parfois inachevés. Pour eux, cela c’est fait au détriment des secteurs de base tels l’éducation, le logement, les transports publics, l’aménagement urbain, la sécurité et la santé. Mais c’est aussi l’occasion de donner plus d’ampleur au mouvement. Tant par des enquêtes que par des photographies représentant son organisation, et les manifestations et les affrontements avec les forces de l’ordre qui en découlent.
Mission n°1 : s’infiltrer sur les réseaux sociaux
Centré sur l’action donc, il constitue un relais permettant de publier les photographies des manifestations luttant contre les conséquences de la Coupe du monde.
Leur terrain d’action ? Les réseaux sociaux. Tumblr, Facebook, Twitter, site perso : ils sont présents partout pour répandre les contestations et les revendications des brésiliens comme une traînée de poudre.
Mercredi 11 juin, à la veille de la Coupe du monde, le média a rénové son site pour le rendre plus lisible. L’image est le médium privilégié pour informer de la nature de l’article.
Sur le Tumblr, les photographies apparaissent sans texte, parfois même sans légende. Elles semblent ainsi se suffire à elles-mêmes.
Pourquoi ? Parce que les images doivent être puissantes, parler d’elles-mêmes. Facilement relayables, elles peuvent avoir un effet buzz : « Compte tenu de la guerre mémétique* :(notion expliquée ci-après, ndlr) dans laquelle nous sommes, la photographie est une part très importante de notre travail. Les photographies sont également fondamentales pour nous aider à construire des récits puissants qui aident à enregistrer les caractéristiques épiques du moment historique que nous vivons. »
La notion de « mémétique » occupe une place centrale : elle repose sur l’idée que la culture est constituée d’éléments échangeables. Les réseaux sociaux deviennent dès lors un véritable outil de transformation de la société et la photographie, une arme qui, par sa puissance visuelle, accélère encore plus la diffusion d’idées et d’informations. C’est la guerre des images, à celle qui aura le plus d’impact et de visibilité.
Mission n°2 : renseigner directement les populations
Midia Ninja est un réseau de communication directe : il déclare que « l’objectif est toujours de donner de la visibilité aux problèmes et aux questions qui sont omises ou criminalisées par les médias de masse. »
C’est cette volonté d’information qui est au cœur de ce réseau indépendant : « Plus qu’avoir un but, nous travaillons pour rechercher des solutions. Le système de médias de masse brésiliens est particulièrement monopolisé et nous travaillons à la démocratisation de la communication dans notre pays.
En utilisant l’outil numérique, peu cher et disponible, en travaillant en groupe et en connectant les personnes, nous sommes en mesure de faire partie d’un moment historique lorsque nous migrons des médias de masse aux médias des masses. »
Les photographies ont dans ce cadre une double fonction : informer par elles-mêmes ou illustrer des enquêtes de fond et des articles.
Pendant la Coupe du monde, les photographies de manifestations reviennent de manière récurrente. C’est l’action qui est privilégiée : comment la contestation s’organise et comment elle se manifeste. Pour autant, le propos n’est pas superficiel. Dossiers et rapports constituent la colonne vertébrale de l’information directe. Un dossier publié en juin 2014 retrace ainsi 3 ans de contestation contre la Coupe du Monde à Rio de Janeiro.
Mission n°3 : saboter la Coupe du monde 2014
En ce « moment historique » de Coupe du monde, l’information est quotidienne et forte. Fragiliser la Coupe du monde est clairement l’un des objectifs que le média se donne depuis plusieurs mois. Voici quelques exemples.
Le média a diffusé la manifestation du Mouvement des travailleurs sans-abri (MTST) qui s’est déroulée le mercredi 4 juin à São Paulo, mégapole brésilienne accueillant l’ouverture de la Coupe du monde. Ceux-ci réclament la construction de logements. Le même soir, les employés du métro de la ville ont commencé une grève illimitée pour obtenir une augmentation des salaires en bloquant les transports en communs, sachant que les touristes affluent et que le métro est le moyen de transport privilégié pour accéder au stade Arena Corinthians. Leur principal argument est que si l’Etat et la ville ont de l’argent pour construire le stade, ils en ont pour améliorer les conditions de vie des habitants.
Des milliers de travailleurs manifestent sur une grande avenue de São Paulo. ©Midia Ninja, Lire l’article sur :ninja.oximity.com
Autre exemple au titre évocateur qui attaque en creux la Coupe du monde : « Aime le football, pas l’argent : rencontrez la Coupe du peuple ». Le 9 juin, Midia NINJA a effectué un reportage sur la « Coupe du peuple », une série de matchs qui s’est déroulée dans les rues de Rio de Janeiro. Organisée par le Comité populaire de la Coupe du monde de football et l’Association nationale de football des femmes, cette Coupe alternative avait pour but d’ouvrir le dialogue sur la mixité dans les équipes de football. L’évènement s’est déroulé dans une ambiance « anti-Coupe du monde » et anti-sponsors. : la finale a été célébrée par une danse traditionnelle où les individus dansaient contre les marques.
Midia NINJA s’engage, en cette période de Coupe du monde, à donner le plus de visibilité possible aux revendications des populations brésiliennes et d’Amérique Latine. Si la visibilité est bien un de leur objectif premier, celle-ci n’est rendue possible que par un travail acharné et de qualité : « Nous avons eu beaucoup de répercussions dans les médias brésiliens et internationaux et nous croyons que c’est une conséquence de notre travail. Ce n’en est pas la cause. » Combatifs, les Midia NINJA n’ont pas fini de faire parler d’eux. La contestation n’en est en fait qu’à ses débuts : « le Meilleur résultat est de devenir plus fort pour continuer. »