MàJ le 04.03.2015 à 22h44 : Le World Press retire finalement son prix à Giovanni Troilo
Le @WorldPressPhoto retire finalement son prix à Giovanni Troilo.
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— Our age is thirteen (@OurAgeIs13) 4 Mars 2015
Le 25 février 2015, la ville de Charleroi demandait au World Press Photo le retrait d’un sujet primé pour cause de mise en scène et de désinformation. Dimanche 1er mars, le WPP refuse cette demande après vérification du sujet de Giovanni Troilo sur la ville de Charleroi.
MISE A JOUR – 3 Mars 2015 : Finalement le World Press réouvre une enquête
Based on new information, we are reopening investigation of 1st prize Contemporary Issues story. We will update as soon as possible.
— World Press Photo (@WorldPressPhoto) 3 Mars 2015
« The dark heart of Europe », un sujet mis en scène
Après trois jours d’enquête et de dialogue entre le World Press Photo, le photographe Giovanni Troilo et la mairie de Charleroi, la fondation néerlandaise a décidé de confirmer le prix du photographe italien. Les photos de Giovanni Troilo étaient bien des mises en scène comme le démontre le témoignage d’un de ses modèles, Philippe Genion, en commentaire de l’article d’OAI13 : « Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse-nu, ce qui ne m’a nullement dérangé, n’ayant aucun complexe par rapport à mon physique. Les deux artistes étaient sympathiques et ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. La photo prise dans ma salle à manger a fait l’objet de réglages minutieux au niveau éclairages, rétro-éclairages, et une partie des photos étaient assises, d’autres debout. Ils me disaient qu’ils voulaient que le rendu soit comparable à celui d’un tableau. » Mais suite à ses recherches, le World Press a tiré la conclusion que malgré ces mises en scène, le photographe était resté intègre dans la construction et la réalisation de son sujet.
Capture d’écran du site oai13.com
Le photographe se défend d’ailleurs d’avoir voulu cacher la mise en scène de son sujet. Il déclare sur un blog italien : « Je n’ai menti à personne. Mon travail est transparent. La situation que j’ai photographiée est réelle, l’endroit est réel et ce qu’il s’y passe également. (…) Mon sujet n’est pas un reportage classique mais une histoire, une histoire de ce que j’ai pu voir dans cette ville. » Le photographe parlait déjà de mise en scène dans ses légendes qui ont été communiquées au World Press et modifiées avant la publication du sujet sur le site de la fondation.
Voir notre article : La ville de Charleroi demande le retrait d’un sujet primé au World Press Photo
Un maire et des photojournalistes
Giovanni Troilo dit comprendre la réaction du maire : « Ils essayent de donner une nouvelle image de la ville. » Pourtant, la lettre du maire Paul Magnette au World Press ne s’inscrit pas dans une démarche de défense de sa ville mais bel et bien des valeurs du photojournalisme. Le maire écrit dans sa lettre au WPP : « Madame la présidente du jury, monsieur le directeur, je ne suis certainement pas un expert de la photographie. Mais je sais qu’en journalisme, tout comme en photographie, le choix de donner un axe à son sujet est nécessaire et habituel. Néanmoins, de cacher certaines perspectives avec de l’information non vérifiée et déformée, de tordre la réalité en faisant de la mise en scène, c’est tout sauf du photojournalisme. »
Le maire a été alerté de la récompense du sujet The dark heart of Europe par des photojournalistes belges. Sur Facebook et Twitter, ils ont été nombreux à s’exprimer en faveur du retrait du prix. Bruno Stevens, photojournaliste récompensé plusieurs fois par le World Press Photo, nous a affirmé : « Ce sujet a été mis en scène. Il n’y a rien d’autre à dire que ça. Les preuves sont flagrantes. Ce sujet a été mis en scène, ce n’est donc pas du photojournalisme. Il n’a pas à être primé. »
Bien loin d’une question d’image de la ville, ce sont les photojournalistes et la presse professionnelle qui s’emparent d’abord de cette histoire pour ouvrir un débat au sein du métier. Thomas Vanden Driessche, photojournaliste, nous a confié : « Giovanni Troilo a tenté de construire un docu fiction transformant l’entité de Charleroi en une sorte de « No Go Zone » à la Fox. Manifestement, cela fonctionne vu que son sujet vient d’être publié dans un média de référence (Newsweek Japan). Ça fait froid dans le dos et ca m’amène à me poser beaucoup de question sur ma propre pratique photographique. Je ne pense pas être le seul à être choqué, mais je ne veux pas me résigner à voir mon/notre métier glisser vers des dérives aussi sombres. »
Vers un nouveau positionnement du World Press ?
Depuis la publication de notre article, la presse professionnelle et les photojournalistes ont été dans une grande attente du World Press dont la fondation est consciente. Interrogé vendredi 27 février, Bruno Stevens déclarait : « Le WPP a toujours eu ce rôle de think tank pour le photojournalisme. Aujourd’hui, si ils décident de conserver le sujet de Giovanni Troilo, ce sera un message envoyé à la profession pour dire que l’on peut fabriquer l’information. Ce qui serait vraiment effrayant. » Peut-on mettre en scène l’information ? Le World Press Photo semble répondre à cette question par l’affirmative. Dans sa réponse au maire de Charleroi, l’institution déclare :
« Le concours demande aux photojournalistes de ne pas mettre en scène des images pour montrer quelque chose qui n’aurait pas eu lieu autrement. » La déclaration du WPP se termine par le paragraphe suivant : « Le photojournalisme et la photographie documentaire se chevauchent souvent dans des catégories du World Press comme « Vie quotidienne » et « Problématique contemporaine ».
Dans ce cadre, les photographes peuvent proposer diverses formes et approches traditionnelles et non-traditionnelles sans pour autant compromettre leur intégrité journalistique. Dans la photographie documentaire qui s’inscrit en cohérence avec les principes éthiques du World Press Photo, le photographe suit ses sujets dans leur environnement. Il ou elle ne doit pas fabriquer des situations selon ses propres idées, et il ou elle ne doit pas diriger des personnes à faire des activités qu’elles n’auraient pas fait autrement. Durant de nombreuses années, nous avons vu la photographie de portrait s’imposer comme une approche dans des histoires de fond de sujets d’actualité ou de couvertures de problématiques diverses. Les portraits de survivants d’ouragans, des gens dans des bureaux ou des séries de portraits d’habitants de camps de réfugiés, sont des exemples de cette pratique populaire dans la photographie contemporaine documentaire. »
La question des liens entre mise en scène et journalisme sera abordée dans les semaines qui viennent sur OAI13. Nous sommes ouverts à vos avis et réflexions que vous pouvez nous envoyer par mail à contact[at]ourageis13.com
Voir la déclaration complète du WPP : worldpressphoto.org
MISE À JOUR (2 Mars 17h45)- Le World Press a envoyé un second communiqué qui explique que leur déclaration aurait été mal comprise.
(1/2) Finalement, le @WorldPress clarifie (ou pas) la situation en expliquant que la mise en scène n'est pas acceptée http://t.co/nu1DrE96K4
— Our age is thirteen (@OurAgeIs13) 2 Mars 2015
[…] Après trois jours d’enquête et de dialogue entre le World Press Photo, le photographe Giovanni Troilo et la mairie de Charleroi, la fondation néerlandaise a décidé de confirmer le prix du photographe italien. Les photos de Giovanni Troilo étaient bien des mises en scène comme le démontre le témoignage d’un de ses modèles, Philippe Genion, en commentaire de l’article d’OAI13 […]
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