Frédérick Carnet a passé trois mois en Islande. Il en a presque fait le tour avec son vélo, équipé de son appareil photo. Il est parti dans ce pays du nord sans projet ou idées préconçues, essayant de se détacher de toutes les représentations photographiques classiques de l’île : terres volcaniques, geysers et étendues d’herbes. Ces trois mois en Islande ont conduit Frédérick à écrire quatre histoires photographiques. L’une d’entre elles, From a tree to a forest nous montre comment l’arbre, après sa quasi-disparition, s’inscrit aujourd’hui dans le paysage islandais.
| Toutes les images : © Frédérick Carnet
► ► ► Cet article fait partie du dossier Voyage photographique en Islande
L’Islande est un pays très peu boisé, réputé pour ses étendues désertiques et volcaniques. Les forêts natives sont maintenant très peu nombreuses. Les Islandais tentent alors de reconstruire un paysage boisé en plantant à nouveau des arbres. Frappé par l’espace étrange qu’occupent les forêts dans le paysage islandais, Frédérick s’est attaché à dresser un portrait de cette petite population verte : les arbres.
Tu as décidé de partir en Islande en vélo, sans itinéraire ni sujet. Pourquoi ?
Pour être libre. L’Islande est un pays sur-photographié. Je n’y avais jamais mis les pieds et je ne voulais pas être influencé par le travail d’autres. Alors plutôt que de faire des plans sur la comète, je suis parti sans savoir ce que j’allais photographier.
Comment en es-tu arrivé à photographier des arbres en Islande ?
Avant de partir, j’ai été interviewé par un magazine, et notamment sur mon rapport aux arbres et aux forêts en photographie. Ils m’ont demandé ce que j’allais faire ensuite. Je leur ai dit : « Je pars en Islande, mais une chose et sûre, je ne prendrais pas d’arbres en photo parce qu’il n’y en a pas… ». J’étais enfermé dans mes préjugés, et surtout par ce que j’avais déjà vu de l’Islande en photo.
Dès le premier jour, j’ai vu des arbres perdus au milieu des champs de lave. J’étais très surpris ! J’ai commencé à les regarder de façon un peu plus précise et j’ai trouvé qu’ils s’inscrivaient de façon très particulière dans le paysage.
Du coup tu as appris des trucs particuliers sur la forêt islandaise ?
Ah oui ! J’ai beaucoup interrogé les Islandais. J’ai subi beaucoup de sarcasmes : la plupart des gens que je rencontrais m’expliquaient qu’il n’y avait presque rien à photographier sur le sujet. Tout le monde se foutait de moi.
Mais au fur et à mesure, les gens ont commencé à me guider un peu. J’ai fini par tomber, au gré de mes balades, sur des personnes travaillant à l’office national des forêts islandaises.
J’ai passé un peu de temps avec eux. Ils m’ont raconté l’histoire des forêts.
En fait, l’Islande était un pays très boisé avant. Mais la surexploitation du bois par les Vikings et les éruptions volcaniques ont causé une large destruction des forêts islandaises. Au centre de l’Islande, il y a des champs de lave qui s’étendent sur des kilomètres, et j’imagine qu’il y avait aussi des forêts là bas. Il ne reste donc que très peu de forêts natives : essentiellement des forêts de bouleaux, souvent très petits. Le reste des ressources boisées viennent pour beaucoup d’essences d’arbres de Russie et du Canada.
Dans ton travail, certaines images montrent de grandes étendues désertiques et au milieu, une toute petite forêt. (voir ci-dessus)
Oui, tu découvres souvent des étendues désertiques et au milieu il y a des sapins. Alors tu te demandes pourquoi il les ont plantés là.
Ils ont l’air tout petits.
Oui. Ils sont minuscules. D’ailleurs très vite on m’a raconté une blague :
« Qu’est ce que tu fais quand tu es perdu dans une forêt Islandaise ?
-Eh bien tu te mets juste debout. »
Il n’y a que peu d’arbres très grands. La plupart des forêts sont près des villes. Dès qu’il y a des villes, des arbres sont plantés pour embellir ou protéger du vent. Tu as beaucoup de villes qui se battent pour avoir le prix du plus grand arbre. Il n’est pas rare de trouver des arbres avec une pancarte marquée « plus grand arbre : 25m ». Et ils sont tous fiers de pouvoir s’en vanter.
Dans toutes les images que tu as sorties, est-ce qu’il y en a une pour laquelle tu as un affect particulier ?
J’aime beaucoup celle où tu as le petit bouleau islandais, seul, tordu au milieu d’une armée de sapins qui prend toute la place. (ci-dessous)
C’est en voyant ça que j’en suis venu à aborder la forêt comme un personnage. C’est comme des photos de portrait…
Mais ce sont des arbres.
- Vous pouvez découvrir les autres séries Islandaises de Fréderick (et bien d’autres travaux) sur son site, www.frederickcarnet.com, sa page facebook, facebook.com/frederickcarnetphotographie
- et le blog de sa cyclorandonnée en Islande : www.90joursaveloenislande.com
- Si vous êtes curieux ou intrigués par le sujet des forêts en Islande, nous vous recommandons cet article : Habiller le paysage : le boisement en Islande écrit par Lauri Dammert pour la Food and Agriculture Organisation.
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