Pétur Thomsen est un photographe islandais. Le paysage de son pays natal, il le connaît par cœur. Il l’a photographié sans relâche jusqu’à réussir à trouver son propre style. Confronté perpétuellement à une vision idéalisée de l’Islande, Pétur a mis du temps avant de réussir à se détacher du paysage carte postale que tout le monde aime voir. Pour lui, le paysage ne doit pas sublimer la nature. La nature est sublime d’elle même.
En 2003, il commence à photographier la construction d’un barrage en Islande. Ses photographies deviennent alors une façon de s’exprimer dans le débat passionné qui enflamme l’Islande à ce moment : pour ou contre le barrage ?
La photographie de paysage de Pétur Thomsen continue encore d’évoluer. Des volcans à son jardin, il tente de poser un regard honnête sur son pays. Il partage avec nous quelques réflexions sur la photographie du paysage islandais.
| Interview par Molly Benn, toutes les images © Pétur Thomsen
► ► ► Cet article fait partie du dossier Voyage photographique en Islande
OAI13 : Pourquoi as-tu décidé de photographier le paysage islandais ?
Pétur Thomsen : Quand tu es islandais et photographe, c’est presque une obligation que de photographier le paysage. Il est tellement magnifique. J’ai longtemps essayé de trouver ma patte artistique, mais je n’arrivais pas à sortir des images qui me satisfasse. Je tentais vainement de me conformer à la tradition photographique du paysage islandais. C’est quand j’ai commencé à photographier la construction de barrages en Islande que j’ai réussi à trouver mon style. Mes photographies sont devenues un positionnement politique.
À quoi ressemble la photographie traditionnelle de paysage islandais ?
C’est de la photographie de carte postale. Ce type d’images a d’ailleurs pris beaucoup d’importance ces dernières années avec le numérique et les nouvelles technologies. Nombreux sont les photographes qui viennent photographier l’Islande. Les paysages islandais sont presque devenus un genre en soi. Ils sont très travaillés, souvent contrasté, parfois en HDR. Les images d’Islande sont de plus en plus irréelles.
Et toi, en tant qu’islandais, quel regard porte-tu sur ces images ?
En fait, elles ne me parlent pas vraiment. Elles sont très loin de mon expérience du pays. Je ne veux pas dire que ce sont de fausses images, mais elles donnent une vision tellement exagérée de l’Islande que j’ai du mal à y reconnaître mon pays.
Tu as décidé de photographier l’Islande par le biais de la modification de son paysage par l’homme. Comment en es-tu arrivé là ?
En 2003, l’entreprise nationale d’électricité décide de construire un énorme barrage en Islande. À ce moment là, j’étais en France. Mais j’ai commencé à avoir des échos des divisions nationales. Il y avait ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre… Fallait-il garder la nature telle qu’elle est ou modifier son paysage ? Utiliser la photographie est donc devenu, pour moi, une façon de participer au débat. J’ai contacté le constructeur pour avoir accès au chantier et je l’ai photographié pendant environ 10 ans. Je travaillais un peu comme un chercheur qui fouillait le paysage.
Alors qu’est-ce que tu as trouvé ?
J’ai trouvé une vraie confrontation entre la terre et l’homme. J’ai réalisé de quelle manière on essaye de manipuler et contrôler la terre pour nos propres besoins. J’ai essayé de montrer comment la nature était creusée par l’homme.
Et cette façon de photographier le paysage islandais de façon exagérée, n’est-ce pas aussi une façon de vouloir le contrôler ?
Oui, on peut le voir comme ça. Le paysage islandais peut-être très bien photographié. Mais c’est vrai que les exagérations de couleurs et de contrastes sont de plus en plus récurrentes. Tu sais, il y a des touristes qui ont été déçus de leur voyage parce qu’il manquait de la couleur dans leurs images ! J’ai parfois l’impression que le paysage naturel ne suffit plus aux gens. Ils ont besoin d’un filtre pour voir le paysage comme ils veulent. Ils voudraient regarder la nature à travers un écran 100% du temps.
Comment envisages-tu ton travail aujourd’hui ? Tu continues à travailler sur le paysage ?
Oui, je continue sur le paysage. Mais je change d’échelle. Depuis deux ou trois ans je photographie mon jardin. Ça me donne un autre regard sur la nature. J’étudie ce que j’ai de plus proche. Je regarde la nature de plus près.
- Vous pouvez découvrir le travail de Pétur Thomsen sur son site, www.peturthomsen.is
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