Alors que l’allégé semble une valeur si positive qu’une marque de soda vient récemment de remplacer light par life, le monde de l’information, lui, ne cesse de grossir : infobésité, Big Data, surcharge informationnelle. Le vocabulaire est révélateur. Comment parvenir, alors que l’augmentation exponentielle de l’information semble si chargée de valeurs négatives, à la rendre attractive ? Par la photographie bien sûr ! Si l’esthétique des prises, des câbles et des baies de stockages vous branche, vous allez adorer les photos de data-centers.
On a beau jeu de toujours mettre l’accent sur la dématérialisation de la photographie et de manière plus générale, de l’information, il reste qu’à un moment, il y a forcément un support physique. L’invisible, l’immatériel s’incarnent sous une forme d’apparence neutre et froide, difficile à interpréter. Par exemple, ça :
Or ça, c’est le data-center de l’une des plus grandes agences de presse au monde, l’agence Reuters. Au fait, c’est quoi un data-center ? C’est l’endroit où sont stockées et traitées des données, disons quelque chose comme votre ordinateur plus quelques disques durs externes. Un endroit tout à fait sexy qui donne matière à des images bien affriolantes. Seulement voilà : le data-center est un produit (et un service) comme les autres. Il faut le vendre. Et pour le proposer à des clients, il faut s’appuyer sur la photographie et soigner la prise de vues. Effectuons une petite recherche sur Google Images pour voir quels sont les points de différenciations de ces photos :
Oui, on dirait bien que tout se ressemble. La photo serait donc impuissante à valoriser un tel produit ? Pas si sûr… Regardons de plus près.
Derrière ces photos froides et impersonnelles, se cachent des messages qui correspondent aux attentes des clients des data-centers. Ainsi, la vue en perspective au grand angle donne-t-elle l’impression d’un espace vaste, c’est-à-dire évolutif : il n’est pas seulement assez grand aujourd’hui, il le sera plus tard. Des allées spacieuses : une maison confortable pour vos données. D’où aussi l’apparence futuriste de ces espaces. Ils se préparent (nous préparent?) au monde de demain. On se croirait dans une banque, entouré de coffres-forts ? Là aussi, c’est fait exprès : cette impression garantit la sécurité des données. Absence d’êtres humains ? Bien sûr : accès sécurisé et restreint, et technologie si efficace qu’elle fonctionne de façon autonome. Mais comme les clients restent des hommes, il faut parfois leur montrer la bonne cohabitation entre les humains et les machines. On peut être au milieu de billions de Go de données et rester cool.
Les premières images de data-centers mettaient l’accent sur les câbles, les fils et la complexité des branchements. Les photos donnaient une impression de complexité et de désordre potentiel : ces visions sont désormais gommées.
Mais le plus important réside peut-être dans le choix des couleurs. Blanche aseptisée : importance de la ventilation et d’un air froid dans ces lieux où les machines dégagent beaucoup de chaleur. La couleur rouge est peu employée : associée au danger et au risque d’incendie, elle reste inquiétante. Le bleu : il évoque les profondeurs océaniques, un monde mystérieux mais naturel ; et surtout la climatisation, le refroidissement des salles. Le vert : certains data-center développent une technologie plus écologique utilisant l’eau pour les circuits de refroidissement ; ce sont les green-data. Et Google utilise son identité multicolore, à mi-chemin entre l’expression de la diversité et l’univers du jouet.
La photographie est un langage : elle parvient toujours à utiliser les codes de l’image (couleurs, cadrages, angles de vue) pour faire parler son sujet. Aucun sujet ne l’arrête : surtout pas un bâtiment neutre et froid, sans présence humaine. Alors, amis photographes, aucun sujet n’est ennuyeux, emparez-vous de tous, même les plus difficiles en apparence. En deux mots, Think Bigger !
La semaine prochaine, nous apprendrons à construire notre propre data-center pour le prendre en photo au flash.
Mise à jour du 26.02.2015 – Le petit bonus de Bruno sur cet article
Thèmes : La question de la semaine