Rien n’est plus facile que d’appuyer sur un bouton pour prendre une photo. Mais qu’est-ce qui distingue alors le pur amateur du photographe aguerri ? A quel moment peut-on se prétendre un photographe utilisant la photo comme moyen d’expression plutôt que quelqu’un qui fait des photos-souvenirs ? Y a-t-il un déclic ? Cela passerait-il par le fait de trouver son style ?
L’histoire de l’art considère qu’un peintre parvient à maturité lorsqu’il commence à élaborer son style propre et cesse de copier les maîtres qui l’ont inspiré jusque là. Et il est admis que, plus ce style est identifiable, plus l’artiste a une (forte) personnalité. Cette notion de style est-elle applicable à la photographie ? Autrement dit : établir que les images d’un photographe sont immédiatement reconnaissables, est-ce l’assurance qu’il a trouvé sa voie ? Est-ce cela que doit chercher le jeune photographe en quête de reconnaissance ?
Attardons-nous un instant sur la peinture puisque c’est elle qui constitue le modèle sur lequel s’appuie traditionnellement la lecture de la photographie. Et peut-être faut-il d’abord commencer par remettre en question cette notion de style : on n’a pas toujours attendu des peintres qu’ils aient un style personnel. Mais plutôt qu’ils répondent rigoureusement à la commande en faisant preuve de virtuosité technique.
Ce n’est que dans un second temps que les commanditaires ont commencé à attendre des peintres des innovations plastiques (nouvelles compositions, nouveaux gestes, nouvelle manière de représenter). Et c’est probablement là que la notion de style commence à être non plus une conséquence de l’ensemble des œuvres produites par l’artiste, mais quelque chose que l’artiste cherche, afin de se différencier des autres artistes et imposer sa « patte » (en marketing, on parlerait de ce qui fait « la valeur de la marque »).
Cette recherche de style apparaît alors comme une forme d’aboutissement autant qu’elle dissimule un enfermement possible, comme un encouragement à la répétition. Ce modèle s’est imposé en peinture, et c’est presque inconsciemment qu’il s’est transposé à la photographie, comme s’il allait de soi. La photographie étant un art jeune, il lui a fallu, pour s’inscrire dans l’histoire des arts, dégager des périodes, des mouvements, des écoles : donc des styles.
Soyons maintenant plus précis : qu’est-ce qui définit le style d’un artiste ? Pour un peintre classique, c’est ce qu’on appellera le trait ou la touche, la palette de couleurs utilisées, certaines façons de représenter les corps ou les visages, certaines poses, compositions, certaines lumières utilisées, et bien sûr, certains types de sujets. Pour résumer : des éléments liés aux moyens techniques utilisés pour représenter, et des choix de sujets récurrents, homogènes ou entre lesquels on puisse établir des liens. Comment transposer cela à la photographie ? C’est assez simple.
Considérons les images d’Antoine D’Agata, un photographe dont le style est immédiatement reconnaissable : la touche trouve son équivalent dans le flou de bougé obtenu par la pose lente de l’appareil photo ; la lumière artificielle impose ces couleurs jaune-verdâtre qui touche les corps en clair-obscur ; les sujets, puissamment érotiques naviguent toujours entre les pulsions complémentaires d’amour et de mort.
Chez D’Agata, même un chien errant ou un paysage de mer semblent relever d’un regard organique et nous renvoyer à des émotions pulsionnelles. Si la transposition peut ici se faire quasiment terme à terme, c’est que les images d’Antoine D’Agata se posent déjà dans une forte référence picturale, notamment celle de l’univers du peintre Francis Bacon (gardons-nous toutefois de réduire l’œuvre de D’Agata à cette communauté de vision).
Prenons un autre photographe dont on a pu voir les œuvres l’année dernière à la BNF Richelieu : Anders Petersen. Images en noir et blanc fortement contrastées, cadrages serrés exprimant le mouvement, l’instabilité de l’instant, une certaine homogénéité des sujets (personnalités à la marge, moments où les corps se donnent au regard). Là aussi, un style affirmé se dégage. Il est d’ailleurs étonnant de constater les affinités stylistiques entre Petersen et D’Agata : certains rendus, sujets communs, mais aussi manière de présenter, dans l’exposition, les photographies en mur d’images.
On pourrait ajouter Michael Ackerman, l’auteur inoubliable de End Time City, photos prises en Inde, à Bénarès, et constater encore une esthétique commune avec les deux photographes précédents. Avec, en filigrane, cette question lancinante : ces photographes ont su imposer un style fort, mais n’en seraient-ils pas aujourd’hui un peu prisonniers ?
Trois photographes de nationalités et de générations différentes, trois styles très affirmés mais qui, étrangement, se ressemblent. Est-ce à dire qu’il n’y aurait qu’une seule manière d’avoir du style en photographie ? Nous verrons dans une semaine qu’il y a plusieurs réponses, dont certaines radicalement différentes.
[box]Et la suite c’est ici : Un photographe doit-il avoir un style ? (2/2)[/box]
par Bruno Dubreuil, chroniqueur dévoué
[…] Rien n’est plus facile que d’appuyer sur un bouton pour prendre une photo. Mais qu’est-ce qui distingue alors le pur amateur du photographe aguerri ? […]
[…] “Rien n’est plus facile que d’appuyer sur un bouton pour prendre une photo. Mais qu’est-ce qui distingue alors le pur amateur du photographe aguerri ?” […]
[…] Rien n'est plus facile que d'appuyer sur un bouton pour prendre une photo. Mais qu'est-ce qui distingue alors le pur amateur du photographe aguerri ? A quel mom […]
Comments are closed.