Bien que clos et secret, le microcosme carcéral est toujours le reflet de la société qui l’abrite. C’est en suivant cette idée que le photoreporter italien Valerio Bispuri a visité 74 prisons Sud Américaines pendant une dizaine d’années. En ressortent une étude sur l’enfermement ainsi qu’une radiographie des problématiques sociales qui gangrènent l’Amérique du Sud.
Dans un noir et blanc contrasté, Valerio Bispuri décrit les conditions d’incarcération à la limite de l’humanité. Entre surpopulation, violence et insalubrité, le photographe fait la chronique d’une privation de liberté qui dépasse le simple espace de la prison. Par la composition de ses images, il creuse la question de l’enfermement, de l’isolement mais également de la communauté.
Lurigancho, Lima, Pérou,2007
En Argentine, au Chili, au Brésil, en Bolivie, au Pérou, en Equateur, en Colombie ou au Venezuela, il a pénétré dans les prisons les plus dangereuses du continent. Chez les hommes comme chez les femmes, la plupart des détenus est inculpée pour une histoire de stupéfiants. Comme le précise dans sa préface l’écrivain italien Roberto Saviano, spécialiste de la mafia et du trafic de drogues, les cartels sont tous puissants dans ces pays. La législation et la répression ont échoué à endiguer le problème. Les viols, les cambriolages et les meurtres sont monnaie courante et paradoxalement, il est parfois moins dangereux de rester en prison.
Pénitencier de Santiago, Chili, 2008
Le livre compile les photographies de Valerio Bispuri sans logique géographique ni chronologique, racontant ainsi ces problématiques comme un seul et même espace. Il montre alors le manque d’évolution dans le temps des conditions d’emprisonnement et comment les sociétés d’Amérique Latine se rendent coupables du traitement de leur détenus.
Chorrillos, Prison pour femmes, Lima, Pérou, 2007
Dans sa préface, le photographe dévoile certaines anecdotes qui se cachent derrière ce reportage de longue haleine. Il décrit alors la gestion de ces espaces, souvent voués à la loi du plus fort. Lors de sa visite d’une prison au Brésil, le gouverneur a dû obtenir l’autorisation d’un groupe de « commandos » pour faire rentrer le photographe, preuve que l’Etat est souvent dépassé ou bien corrompu par la mafia. Au cours de son expérience, il a découvert bien des choses entre les murs de ces prisons, comme le fait que l’on pouvait enfermer un prisonnier en cellule d’isolement pendant deux mois entiers, que les femmes ne pouvaient pas recevoir de visites conjugales contrairement aux hommes, que les enfants étaient emprisonnés avec leurs mères les quatre premières années de leurs vies avant d’être placés.
Pénitencier de Santiago, Chili, 2008
Il a également photographié le pavillon 5 de la prison de Mendoza dans lequel les 19 détenus les plus dangereux d’Argentine sont enfermés. L’autorité a déserté l’endroit, même les gardes n’y pénètrent plus, livrant à distance la nourriture et le linge. Lorsqu’il entre seul, Valerio Bispuri est surpris de voir l’accueil que lui réservent les prisonniers. Contrairement à d’autre prisons, on ne lui fait ici aucun mal, au contraire, on lui demande de documenter les horribles conditions de vie du lieu. Suite à la publication des photographies et grâce à l’aide d’Amnesty International, le Pavillon 5 fût fermé.
Guayaquil, Prison pour femmes, Equateur, 2004
Loin d’être misérabiliste, Encerrados de Valerio Bispuri fait le portrait de ces prisonniers et de leur humanité pour un voyage nécessaire dans la vie quotidienne de ces lieux où la liberté est entravée.
Los Teques, Caracas, Venezuela, 2009
En savoir plus :
Encerrados, Valerio Bispuri
Editions Contrasto
35 euros
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