Phil Cheung a eu l’idée de devenir photographe alors qu’il servait dans l’armée canadienne en mission de paix pour l’OTAN en Bosnie. Tout juste la vingtaine, il est marqué par le quotidien des survivants et souhaitent pouvoir le partager avec d’autres. À son retour, il dépose les armes et apprend la photographie. Son parcours le mène rapidement hors du Canada, mais après 5 ans au Moyen-Orient, il est de retour…
| Texte par Laurence Butet-Roch, images par Phil Cheung.
Desert Dreams, 2011 © Philip Cheung
► ► ► Cet article fait partie du dossier : Le Canada sans les clichés
OAI13 : Quand tu as décidé de changer de carrière – de soldat à photographe – qu’espérais-tu?
Phil Cheung : Guidé par mon expérience outre-mer, j’étais intéressé par les zones de conflits ou les pays en reconstruction. Je voulais explorer comment la cohabitation de militaires et de civils s’exprime subtilement dans le paysage, l’environnement, leurs interactions. Je continue d’évoluer comme photographe. Je cherche constamment de nouvelles façons de raconter des histoires. En ce moment, je penche vers une approche plus personnelle, qui brouille la frontière entre fiction et réalité.
Desert Dreams, 2011 © Philip Cheung
Comment est-tu parvenu à transformer la photographie en une carrière?
La photographie n’est pas qu’une carrière, c’est un mode de vie. Il faut y être entièrement dévoué, avoir de la persévérance et se remettre en question constamment. Mon plus grand défi a été d’avoir confiance en la qualité de mon travail. Je comparais toujours mes photos à celles des plus grands photographes. J’ai mis quelques années à me rendre compte qu’ainsi je ne faisais que suivre le chemin d’un autre plutôt que de créer le mien. Je dois beaucoup à Brian Kerrigan, l’ancien éditeur photo du Globe and Mail – aujourd’hui directeur photo au National. Il m’a donné la chance de prouver ce dont j’étais capable alors que j’en étais à mes débuts et a été mon mentor.
Être Canadien et photographe, est-ce un défi?
Pas en mon sens. Je ne remarque pas de différence dans la façon dont les collègues ou les éditeurs me traitent quand je leur dis d’où je viens. Je ne pense pas que la nationalité du photographe a une si grande importance à leurs yeux parce que c’est le travail qui compte, pas l’origine. Comme ailleurs, il y a beaucoup de photographes talentueux au Canada. Chacun ont un regard qui leur est propre et aborde le monde à leur façon. Il suffit de regarder Flash Forward, l’annuel produit par la fondation Magenta pour en être convaincu.
Afghanistan 2009, A Winter in Kandahar © Philip Cheung
Pourtant, très tôt, tu t’es basé hors du Canada. Pourquoi cette décision?
Pendant ma première année comme photographe indépendant, j’ai eu la chance d’obtenir un poste au sein d’un journal en langue anglaise à Abu Dhabi, dans les Émirats Arabes Unis. Je n’avais jamais pensé à me baser hors du Canada avant cette offre. Comme je débutais en photo, je me disais que je devrais acquérir plus d’expérience dans un environnement familier avant de m’aventurer dans l’inconnu. Cependant, travailler comme photographe pour un quotidien du Moyen-Orient et avoir leur soutien m’a permis d’apprendre beaucoup sur la région tout en développant mes aptitudes et mon regard. Après quelques temps, j’ai quitté ce poste pour être freelance. Je me suis installé à Beyrouth et Abu Dhabi.
Kurdistan irakien 2009 © Philip Cheung
Pourquoi, après tout ce temps et cette expérience au Moyen-Orient, être revenu au Canada?
Après avoir passé cinq ans loin de ma famille et de mes amis, j’avais envie de revenir. Je voulais aussi m’investir dans des sujets sur l’Amérique du Nord. Il me tarde de mieux connaître mon pays. Bien sûr, il y a eu une période d’ajustement, il a fallu reprendre contact avec le marché local.. Quand je vivais au Moyen-Orient, mes principaux clients étaient des publications internationales. Dorénavant, je travaille surtout pour des Canadiens. Certes, c’est un petit marché, mais il est stimulant. Du coup, pour rester occupé, il faut savoir être versatile tout en restant fidèle à soi-même.
Quel conseil donnerais-tu à un(e) Canadien(ne) qui souhaite devenir photographe?
Peu importe d’où tu viens, le plus important c’est de réaliser des projets personnels car tu as alors la liberté d’expérimenter et d’approfondir ta vision artistique sans avoir à tenir compte d’un autre agenda que le tien.
Site internet : philipcheungphoto.com