[box]Cet article fait partie du dossier de la semaine du 06.10.14 : L’insaisissable Street Photography[/box]
Il y a des interviews qui dépassent le simple cadre journalistique. Parfois, on rencontre le travail d’un photographe et on a l’impression de se voir offrir un supplément d’âme. Aujourd’hui, découvrez le travail de Dominique Vautrin. Plongez dans son univers, voyagez-y, interrogez-vous. Rencontrez les personnages de ses villes intérieures, prenez un moment pour vous échapper et changer la vision que vous avez de votre monde.
« La photographie que je pratique maintenant n’est ni documentaire ni photojournalistique. Elle est simplement personnelle »
[/pullquote]
OAI13 : Comment en êtes-vous arrivé à la photographie ?
Dominique Vautrin : Avant j’étais photojournaliste. Et en 2004, après un reportage à Gaza, j’ai pris la décision d’interrompre le photojournalisme pour me consacrer à une photographie plus personnelle et artistique : la street photography. Je voulais faire quelque chose qui s’adaptait complètement à ma vision du monde, où je n’avais pas besoin de légender mes photos pour faire passer quelque chose. Je voulais construire mon propre road movie. La photographie que je pratique maintenant n’est ni documentaire ni photojournalistique. Elle est simplement personnelle.
OAI13 : Pourquoi la photographie en particulier ?
D-V : C’est vrai que j’aime beaucoup le cinéma, la musique. Et quand on crée, on peut s’approprier n’importe quel médium. Je me sers de tout ce qui m’entoure culturellement pour me nourrir et faire ma photographie. Aujourd’hui je construis aussi des pièces contemporaines. Je ne suis pas exclusivement centré sur la photographie. J’ouvre mon champ artistique.
OAI13 : Êtes-vous arrivé à la street photography naturellement ou aviez-vous conscience d’appartenir à un courant photographique ?
D-V : Je le savais au fond de moi. La street photography me passionnait depuis très longtemps. J’aime beaucoup Robert Frank, photographe qui a vraiment ouvert ce courant. Je pense que ce style s’est imposé naturellement à moi, mais j’avais besoin de passer par plusieurs étapes avant de trouver mon mode d’expression.
Mon travail est très centré sur la solitude, l’homme dans la ville, le milieu urbain. À travers mes différents travaux, noir et blanc ou couleur, je suis dans ce road movie où ma vie personnelle est mélangée à un voyage intérieur. Que je sois à Paris ou à Moscou je reste dans un travail qui est de l’ordre de l’introspection et de l’inconscient.
OAI13 : Comment ce road movie se construit-il ?
D-V : Ça peut être de l’ordre du hasard ou de l’instinct. Par exemple, l’une de mes premières série a duré 5 ans et s’est faite à Holywood, près de Belfast.. Lorsque j’y suis allé pour la première fois en 2000, j’ai eu un flash avec cette ville. Je savais que j’avais quelque chose à y faire.
« Le rêve de tout street photographer est d’être invisible »
[/pullquote]
OAI13 : Qu’est-ce que vous y cherchiez ?
D-V : C’était une vraie quête. J’étais sur la route. Je dormais parfois dans la rue. Je travaillais sans contraintes et sans protection. Je revenais évidemment à Paris pour me ressourcer. Ce voyage fut véritablement introspectif. J’ai également travaillé sur Paris, avec ma série 75, en Europe de l’Est, Yonder. Mes voyages se décident toujours naturellement.
OAI13 : Y a-t-il une notion de mise en danger dans ces voyages ?
D-V : Il y a toujours une notion de mise en danger. Dès le début il m’est arrivé beaucoup d’histoires. Le rêve de tout street photographer est d’être invisible. Souvent, en photographiant dans la rue, on risque de se faire agresser. Le fait de capter un instant peut-être mal interprété. Mais tenter d’être ce photographe invisible est aussi une véritable liberté, et cette liberté a un prix.
OAI13 : Quel est-il, ce prix ?
D-V : L’angoisse, la solitude. On n’en sort pas indemne. La mise en danger est intrinsèque à notre vie. J’ai pris beaucoup de risques, certes, et en même temps vivre est un risque. Je me suis effectivement fait casser la figure, j’ai vécu des choses violentes. Il y a une certaine violence dans cette errance urbaine. Mais je vis aussi de très belles histoires !
OAI13 : Pouvez-vous nous raconter une de vos images ?
D-V : C’est difficile, je ne m’attendais pas à cette question. J’ai tellement d’histoires…
OAI13 : Dans ce cas, moi j’ai une question sur l’une de vos images.
D-V : Oui allez-y !
OAI13 : Il y a cet homme, que vous avez photographié d’assez près. Il y a une lumière jaune qui lui vient sur le côté et l’ensemble est assez bleuté. Quelle est son histoire ?
D-V : Et bien là, la question que vous me posez, c’est exactement ce que je veux amener en photographie. J’essaye d’interpeller les gens, de les renvoyer à leur propre inconscient. Moi, je ne suis qu’un vecteur, un passager. Des histoires, j’en ai des centaines, mais je n’ai pas d’anecdotes. Je préfère susciter des questions que raconter des histoires.
OAI13 : Est-ce que vous savez pourquoi vous êtes photographe ?
D-V : Non, je ne sais pas pourquoi je suis photographe, mais ce que je sais c’est que ça n’est pas un hasard. J’ai acheté un appareil photo un jour et ce jour-là, je n’ai jamais pu m’en séparer.
[box type= »1″]
Dominique Vautrin est représenté par la galerie Hold Up Photo, dirigée par Aurélie Tisseyre.
Site internet : holdupphoto.com
« J’ai fondé Hold Up Photo pour défendre la street et l’underground photography. Pour moi, la street est une photographie très intime, pas dans son mode de diffusion mais dans son rapport à l’inconscient. Il me semblait nécessaire de créer une plate-forme où l’on puisse découvrir ou comprendre les différents aspects de cet art afin qu’il ne soit pas mal interprété. Je travaille seule mais avec le soutien d’une collectionneuse américaine, qui possède de très belles pièces d’artistes américains et que je souhaite amener à s’intéresser aux streeters européens. » Aurélie Tisseyre
[/box]
[columns width= »1/2″]
[/columns]
[columns width= »1/2″ last= »true »]
[/columns]
[…] Il y a des interviews qui dépassent le simple cadre journalistique. Parfois, on rencontre le travail d'un photographe et on a l'impression de se voir offrir […]
[…] LE SUPPLÉMENT : son interview pour Our Age Is Thirteen […]