A la chapelle des Beaux-Arts à Paris se tient l’exposition « Spasibo » (« Merci », en russe), de Davide Monteleone, prix du photojournalisme de la fondation Carmignac 2012. Ce travail du photographe italien explore la Tchétchénie d’après les guerres et donne à voir le visage de la « normalité » imposée par le dictateur Ramzan Kadyrov. Les grands tirages en noir et blanc montrent une Grozny qui a dissimulé ses plaies, les forêts et les montagnes restés des symboles de la rébellion, la place de la femme dans cette société contrainte au compromis. Un reportage de fond, riche de plusieurs strates, qui témoigne de l’étouffement d’une société et d’un pays.
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De profonds questionnements d’identité
« Ramzan, merci pour Grozny » : tels sont les mots qui, sur un panneau géant, accueille ceux qui arrivent à la capitale de la Tchétchénie. Plus de 10 ans après la fin du conflit qui a opposé l’ancienne république soviétique à la Russie, qu’est devenu le pays ? Comment vivent ceux de ses habitants qui sont restés ? Grozny, avec ses avenues reconstruites, un centre-ville presque rutilant, en est une parfaite vitrine. Tout a été mis en œuvre pour effacer les traces de la destruction et de la répression et laisser place au mot d’ordre officiel : la Tchétchénie a vaincu. Sous l’autorité absolue de Ramzan Kadyrov, protégé de Poutine, la désormais république « autonome » de Russie se trouve confrontée à de profonds questionnements d’identité. Prise en étau entre les intérêts personnels d’un seul homme et ceux de la Russie, la société paie le prix fort pour une vie « meilleure », pacifiée de force : une opposition muselée, un islam obscurantiste qui nie la place de la femme, la contrainte du silence et de la soumission pour accéder aux services et aux biens.
Une exposition d’actualité
Davide Monteleone a mené son premier reportage dans le Caucase en 2003. On se souvient de son magnifique travail « Chardon rouge », en 2011. Avec « Spacibo », il réussit à communiquer, dans un contexte de « paix », toute la complexité de la société tchétchène dans son histoire et sa culture, dans sa résistance et dans sa souffrance. Alternant des images de Grozny à la modernité surréaliste avec les paysages reflétant, sous différents biais, l’impact des guerres, mais aussi à travers des portraits, des images d’archives et un écran où défilent le fil du compte Twitter de Ramzan Kadyrov, l’exposition fait prendre la mesure des profonds bouleversements de la société tchétchène et rend compte d’une actualité dont on parle peu. Les légendes, proposées sur des feuillets à l’entrée, contribuent à suggérer au visiteur de prendre le temps de se plonger dans cette réalité à la fois proche et lointaine. Les photographies exposées sont une sélection du livre éponyme paru aux éditions Kehrer Verlag.
« Spasibo ». Jusqu’au 4 décembre.
Chapelle des Beaux-Arts de Paris, 14, rue Bonaparte, Paris 6e.
Site internet de Davide Monteleone : davidemonteleone.com
« Spacibo », bilingue français/anglais, éditions Kehrer Verlag, 164 pages, 58 €.
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