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Ce que les mèmes internet changent dans notre rapport à l’image

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Bread Helmet Man

Vous avez peut-être déjà entendu parler de lolcats, de Doge ou du selfie ? Ce sont des mèmes. Internet en regorge : des images, du texte, une vidéo, un gif détourné et repris en masse sur le Web. Souvent à caractère satirique, ironique ou simplement drôle, le mème peut surfer sur un évènement d’actualité. Dans ces buzz web, l’iconographie de presse a souvent joué un rôle important. Beaucoup de unes de magazines et de photographies de presse ont été détournées, créant des phénomènes d’une ampleur totalement démesurée. Retour sur trois mèmes issus de l’iconographie de presse.

Le policier à la bombe lacrymo

Connu sur Internet sous le nom de « Casually Pepper Spray Everything Cop » (« Flic qui envoie tranquillement du gaz lacrymo sur n’importe quoi »), ce mème vient d’une photographie de Louise Macabitas lors d’une manifestation du mouvement Occupy Wall Street. Les étudiants de l’université California Davis forment une chaîne humaine pacifique. Un policier, John Pike, les asperge gratuitement de bombe lacrymogène. Ce moment surréaliste capturé par la photographe est tout de suite repris par la presse et les communautés web. La photo est d’abord postée le 19 novembre 2011 sur l’agrégateur de contenus Reddit. Le 20 novembre, deux versions détournées apparaissent sur la Toile : Pepper Spray Cop squatte un tableau de George Seurat de 1884 et un tableau de John Trumbull de la déclaration d’indépendance américaine datant de 1819. Relayé sur le tumblr « It makes no sense » (en français, : « Cela n’a pas de sens »), le mème est partagé 2 400 fois dans la même journée. Le lendemain, Le Washington Post, ABC News, le Metro, Buzzfeed et Gawker parlent de cette image qui perturbe.
Au-delà du potentiel comique de ces détournements, la photographie et le phénomène qu’elle a provoqué ont eu un véritable impact sur l’actualité. La chef de police a d’abord tenté de justifier le comportement de son policier, John Pike, expliquant que les jeunes étudiants obstruaient le passage. Mais de nombreuses vidéos témoins ont démontré que les étudiants formaient un cercle et non un barrage. Les forces de l’ordre pouvaient donc circuler autour des manifestants. Cette affaire a mené à la démission du chef de police, ainsi que le licenciement du « Pepper Spray Cop ».



Pepper Spray Cop

Casually Pepper Spray Everything Cop, l’original

Casually Pepper Spray Everything Cop

Casually Pepper Spray Everything Cop, dans la déclaration d’indépendance américaine de John Trumbull, 1819

Casually Pepper Spray Everything Cop, dans le tableau de George Seurat

Casually Pepper Spray Everything Cop, dans le tableau de George Seurat, 1884

Casually Pepper Spray Everything Cop

L’homme au casque de pain

Alors que le printemps arabe égyptien est à son paroxysme, le vent de révolte est si fort qu’il traverse les frontières jusqu’à atteindre le Yémen. La journée du 3 février 2011 entre dans l’histoire sous le nom de « Jour de la colère ». Des manifestants yéménites envahissent les rues, munis de casques bricolés afin de se protéger des projectiles des forces de l’ordre. L’un d’entre eux, photographié par le reporter de Reuters Khaled Abdullah, se protège avec des morceaux de pain. L’image est forte : il lève les bras en signe de protestation, crie, et son casque fait de pain transforme ce manifestant en véritable icône. Baptisé « Bread-Helmet Man » (en français : « L’homme au casque en pain »), il est diffusé sur le Daily Mail, Buzzfeed, BoingBoing, Eat Liver. Un groupe de création artistique sur Deviantart se crée et n’en finit pas de détourner la photographie, jusqu’à lui en faire perdre son sens originel.



Bread Helmet Man
Bread Helmet ManBread Helmet Man

Planète Hillary

Le 23 janvier 2014, le journaliste David Joachim tweete la couverture du New York Times avant sa sortie. On y voit un montage photo d’une planète, seule dans l’espace, faite de la tête d’Hillary Clinton. Le New York Times titre : « Planet Hillary. » À peine 15 minutes après la publication de ce tweet, les premières réactions fusent. Cette planète ressembleraient à une « une testicule de l’espace » (« Sentient space testicle », en anglais) selon Luke O’Neil, journaliste chez Slate. Le lendemain, les détournements créatifs émergent sur Internet : on découvre Planète Hillary associée à une capture d’écran du clip « Wrecking Ball » de Miley Cyrus, en couverture de livre pour enfant, en lune dans le film E.T.
Planète Hillary est encore trop récent pour être officiellement reconnu comme mème par le site « Know your Meme » (base de données référante en la matière). Néanmoins, le nombre de réactions après seulement quelques jours de buzz est déjà très évocateur. Publié sur The Daily Dot, Buzzfeed, The Wire et Jezebel, Planète Hillary a de beaux jours devant elle.

Comment analyser ce phénomène de mème ? Y a-t-il vraiment quelque chose d’intéressant dans ces images absurdes et salement photoshopées ? Oui. L’appropriation de l’image. Que ce soit avec les deux photographies ou la une du New York Times, les internautes ont systématiquement réagi à une idée qu’ils ont ensuite détournée pour en rire. Il y a des mèmes qui n’ont pour seul but que faire rire, comme les lolcats (photos de chats légendées de façon humoristique). Et puis il y en a d’autres qui se placent sur le terrain de la dénonciation politique, comme Pepper Spray Cop. Avec ou sans dénonciation, il est intéressant d’observer par quel prisme passe le buzz : par l’action d’appropriation de l’image. Aujourd’hui, sur Internet, le grand public n’est plus seulement spectateur de l’image. Il se l’approprie au quotidien, pour en rire et la diffuser. Et parfois, l’image est tellement drôle ou absurde, qu’elle fait plusieurs fois le tour du monde et devient une icône de la culture web.



Planet Hillary

La une du New York Times

Planet HillaryPlanet HillaryPlanet Hillary

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