Cet article fait partie du dossier de la semaine du 07.04.14 : Paroles de photojournalistes
« Nul n’est prophète dans son pays », voici un dicton qui peut caractériser le parcours d’ Axel Dupeux. Comme beaucoup de photographes, sa carrière a commencé par quelques galères. Après une formation photo parisienne, il a accepté un peu tout et n’importe quoi pour vivre de sa passion. Mais il a très vite compris qu’il s’épanouirait sûrement plus ailleurs. Il est donc allé voir si le rêve américain existait…
© Axel Dupeux – Jeffrey Zeigler for I Care If You Listen
Une pensée ouverte
En parallèle à ce changement géographique, il a affirmé et affiné sa démarche professionnelle. Le déclic s’est fait lors d’un shooting parisien. « Je bossais pour un gros site de vente en ligne sur Paris, se rappelle-t-il. Un jour, le brief de la séance était de réaliser une image pour toucher une cible de business woman de 35 ans. Et là, le client est arrivé avec une modèle de 16 ans. J’ai trouvé ça complètement absurde. Je me suis alors aperçu que je n’arrivais pas à travailler quand le sujet était faux. J’aime le portrait éditorial parce que c’est un peu du journalisme, mais avec une grande marge créative. C’est à toi d’éditorialiser ton image. Tu dois raconter une vérité, avoir un certain devoir éthique. Ton seul but est de trouver la situation où la personne se ressemble le plus. » Une de ses références est le « In The American West » de Richard Avedon. Pour lui, le portrait peut être du photojournalisme !
© Axel Dupeux – série Bushwick
Arrivé en 2005 à New York, il met en place une approche documentaire et créative du portrait. Il commence à travailler avec la presse américaine. La majorité de ses commandes lui viennent, maintenant, de magazines de tout bord (news, économie, finance, milieu juridique, industrie de la musique). Il collabore régulièrement avec le Wall Street Journal, Billboard, Entrepreneur ou encore Adweek. Comme l’indique Axel : « J’aime bien photographier des entrepreneurs. Ils ont le goût de l’innovation. Je suis fasciné par ces personnes qui ont une idée, la suivent et arrivent à la concrétiser. Je trouve ça beau ! » Avec une telle philosophie, pas étonnant qu’il ait réussi à s’intégrer dans ce milieu. Aux États-Unis, il a de la chance, car les magazines dédiés au business sont bien construits et plutôt sexys. Ils font preuve d’une authentique recherche iconographique. Et en plus, pour ne rien gâcher, ils payent bien !
© Axel Dupeux – Honorable Judge Lippman for American Lawyer
Une question d’état d’esprit
Son exemple illustre la différence de mentalités entre les deux pays. L’approche du milieu professionnel est foncièrement opposée. Axel confirme : « En France, on ressent un pessimisme ambiant, latent. Alors que les américains font preuve d’une vraie résilience. Face à une difficulté, ils cherchent à s’adapter, à trouver des solutions et à rebondir ! Pour eux, tout est possible, il suffit d’y croire. » Alors avec beaucoup de volonté et un peu de bagout, Axel est rentré dans le jeu…
© Axel Dupeux – Just Blaze for Billboard
En dix ans, il a eu le temps de développer sa démarche professionnelle et surtout son carnet d’adresses. Il s’en cache pas : « Je dois ma carrière à deux personnes. Deux photo-editors qui m’ont ouvert leur réseau et m’ont fait confiance. Après, j’ai réussi à ne pas les décevoir ! Comme toujours, il faut du talent et du travail, mais aussi un petit coup de pouce du hasard. » L’expérience d’Axel reflète une vision particulière d’appréhender la photographie professionnelle. De l’autre côté de l’Atlantique, les informations sont souvent plus abordables. Les services photo sont généralement assez ouverts. Alors qu’en France, ils ont la réputation d’être inaccessibles et un peu frileux. Plus généralement, les gens se font plus confiance. Il y a un vrai dynamisme collectif.
Par exemple, Axel nous rappelle qu’« ici, on n’a pas peur de parler business, d’échanger des infos ou de partager un contact. Il existe pas mal de blogs ou de sites où l’on retrouve des discussions ouvertes sur le business et le marketing pour les photographes. En France, ces initiatives restent isolées. Les iconos américaines sont très présentes sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter ou Instagram. Tout ça crée un lien plus personnel. Tu as l’impression de bosser pour quelqu’un et non pour un budget ou une structure. C’est plus enthousiasmant et valorisant ».
© Axel Dupeux – série Bushwick
Une réalité tenace
Mais le tableau n’a pas toujours été si rose. La crise du photojournalisme n’est pas une exclusivité française. La galère est malheureusement mondialisée ! Axel confirme : « Entre janvier et octobre 2009, ça a été vraiment très dur. Tout le monde s’est retrouvé planté. Suite à la grosse crise de 2008, tous les budgets étaient coupés. Puis petit à petit, la machine est repartie. Si tu t’en donnes les moyens, tu peux y arriver. Il faut juste y croire et ne rien lâcher ! »
Rappelons que les organes de presse américains ont les reins solides et que leur diffusion presse est plus large qu’en France. Le marché n’est, tout simplement, pas le même. Mais ça ne fait pas tout. Car toute cette réalité professionnelle ne tient, souvent, qu’à un fil. Lié à des rencontres et à un réseau, il peut se rompre facilement. Car malheureusement, le talent, l’énergie et l’engagement n’assurent pas obligatoirement la réussite à un photojournaliste, même si celui-ci est au pays de tous les possibles !