Cet article fait partie du dossier de la semaine du 12.05.14 : Les univers criminels
Fernando Brito est né et vit au Mexique. Iconographe au magazine El debate de Culiacán, il est l’auteur d’une série de photographies de cadavres dans la nature intitulée « Tus Pasos Se Perdieron con el Paisaje », littéralement, « Tes pas se sont perdus dans le paysage ».
« Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit »
Arthur Rimbaud, Le Dormeur du Val.
Une série personnelle qui finit en galerie
Fernando Brito réside à Culiacan, une ville mexicaine au nord-ouest du Mexique. Photojournaliste et iconographe, il se retrouve souvent sur des scènes de crimes, dus aux trafics de drogues dans la région, pour les besoins de son journal. En 2006, il commence à photographier les cadavres qu’il voit, seuls dans le paysage.
Pourquoi ? En capturant le lieu de leur assassinat, Fernando Brito espère donner un visage à ces morts qui n’existent qu’en chiffres dans les médias ou pour l’Etat. Le photographe attend 2011 avant de commencer à montrer ses images, année où il exposera notamment en France à la galerie RTR. Il est récompensé d’un 3e prix au World Press Photo de 2011.
Une photographie voyeuse ?
A la fois critiquée et acclamée, cette série d’images ne laisse personne indifférent. Certains la considèrent comme du voyeurisme, d’autres critiquent l’esthétisme qui entoure les cadavres. Effectivement, au premier regard, on imagine que ces images sont issues de fictions ou de mises en scène. Mais ce sont bien de véritables cadavres que l’on observe, et cette vérité fascine ou révulse.
Fernando Brito, lui, rappelle qu’au Mexique, tout le monde est abreuvé d’images de crimes. Propagande de la terreur ou information sensationnelle, le mort fait partie de l’imagerie collective. Il est impossible pour nous d’imaginer l’horreur et le contexte de la mort dont le regardeur est témoin. Le commissaire d’exposition Gordon MacDonald explique : « C’est d’ailleurs un peu le défaut de la photographie documentaire qui, le plus souvent, laisse le spectateur avec un sentiment à la fois d’empathie et d’impuissance, qui pourrait être celui d’un touriste endeuillé affrontant la douleur du monde depuis un canapé confortable. ».
Néanmoins, Fernando Brito se défend de faire de la photographie documentaire. « Tus Pasos Se Perdieron con el Paisaje » n’est pas non plus un projet artistique. Ces images se trouvent dans un entre deux,
entre l’horreur et la poésie.
Toutes les photos : © Fernando Brito