Des regards, d’abord. C’est ce qui frappe quand on pénètre dans la salle d’exposition du Couvent des Minimes où s’affiche Trouble, le sujet d’Andrea Star Reese sur le traitement des maladies mentales en Indonésie.
[columns width= »1/2″]
Dans chaque photographie, un personnage principal dont le regard trahit la souffrance, l’absence, la folie. Mais l’image ne s’arrête pas là. En arrière-plan ou dans un détail se livre une foule d’informations sur cette personne : son environnement, son entourage, son état – des salles divisées en cages, un homme nu assis dans un coin, une flaque d’urine aux pieds d’un malade.
Un inventaire des lieux
Andrea Star Reese nous offre ici un travail extrêmement documenté sur l’état des soins psychiatriques en Indonésie. Pendant deux ans, elle s’est rendue dans différents lieux – n’obtenant une autorisation parfois qu’au bout de cinq demandes -, et a photographié ces femmes et ces hommes atteints d’une maladie mentale, dont certains n’ont jamais été diagnostiqués. Elle nous les montre dans des instituts où ils sont enchaînés (selon la tradition du « pasung »), dans des centres où ils sont soignés par des méthodes alternatives, dans des maisons où les familles les enferment.
Une humanité partagée
A l’instar du beau sujet de Stephanie Sinclair, « Ces petites filles que l’on marie, présenté à l’édition 2012 de Visa pour l’Image, ces images ont le talent de témoigner d’une réalité avec une humanité partagée – envers les personnes qui y figurent, mais aussi envers le spectateur. Les tonalités de couleurs, la part belle à la lumière, le cadrage large y contribuent. Mais aussi le choix de certaines scènes qui touchent presque à l’anodin – si ce n’est l’expression de l’un des personnages – ou d’autres, presque douces, qui témoignent d’instants de répit que peuvent vivre ces personnes. Ces respirations, loin d’édulcorer le sujet, rendent encore plus intense notre regard sur cette situation dramatique et ces « malades » dont la grande majorité ne sont pas soignés.
« La maladie mentale peut se soigner et se guérir », lit-on en introduction du texte de présentation. Avec ce sujet, Andrea Star Reese a souhaité montrer les ravages que provoque l’inaccessibilité à des médicaments et des traitements qui sont d’usage courant dans une grande partie du monde. C’est avec intelligence qu’elle y parvient.
Andrea Star Reese, Trouble : Exposition dans le cadre de Visa pour l’Image 2013, Couvent des Minimes, jusqu’au 15 septembre.