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Mission de la photographie : le bilan

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Portail Arago

Dans cette semaine consacrée à l’Etat et la photographie, impossible de passer à côté de la Mission de la photographie mise en place en 2010 par le ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Lancée le 25 mars 2010, cette mission dirigée par Daniel Barroy, ancien directeur des affaires régionales, avait pour objectif de renforcer et améliorer les politiques de conservations et de diffusion des fonds photographiques, réfléchir avec les acteurs du milieu photo afin d’adapter l’action publique aux mutations techniques et économiques du secteur et, enfin, proposer des axes de travail pour la photographie.
Près de 80 professionnels ont été réunis en plusieurs groupes de travail afin de faire avancer un secteur en pleine évolution. Parmi eux, Jorge Alvarez, auteur-photographe, vice-président de la Saif, responsable des questions juridiques à l’UPC depuis 1999 et actuel vice-président de l’UPP, a accepté de répondre aux questions d’Our Age Is Thirteen sur cette mission colossale.
Quelles réalisations concrètes sont issues de ces réunions de travail ? Qu’a-t-elle apporté à la photographie ? Jorge Alvarez nous propose un état des lieux de cette mission avant sa fermeture.





OAI13 : Quel était l’objectif initial de la Mission de la photographie ?

Jorge Alvarez : Le ministre Frédéric Mitterrand souhaitait s’informer pour comprendre ce qui se passait dans le monde de la photographie, et il faut quand même avouer que depuis longtemps, c’était le premier ministre de la Culture à s’intéresser à la photographie. Aujourd’hui, Aurélie Filipetti a l’air de s’y intéresser également.

Frédéric Mitterrand a donc monté cette mission sur la photographie qui avait quatre groupes de travail : la préservation des œuvres, la diffusion, la recherche, la formation et la documentation et enfin les nouveaux modes de production et de diffusion.

Chaque groupe s’est réuni plusieurs fois pour réfléchir à l’état et l’évolution de la photographie. D’un côté, ça a permis à quelques fonctionnaires de prendre conscience de la petitesse du marché et d’un autre côté, ça leur a permis de comprendre comment fonctionne ce milieu et ses métiers.

Un exemple : je faisais partie d’un groupe qui travaillait sur l’enseignement, et la question de la pertinence de l’enseignement de la photographie argentique s’est assez vite posée. Évidemment, nous avons tous exprimé la nécessité de continuer cet enseignement capital pour tout photographe. Il a fallu expliquer que la photographie argentique n’était pas morte, loin de là.
Cette mission a duré plusieurs mois.


« La seule réalisation utile pour les photographes, c’est ce fond d’aide qui concerne exclusivement la photo documentaire. »

Jorge Alvarez


OAI13 : Quelles sont les applications concrètes issues de cette Mission ?

J-A : Objectivement, la Mission de la photographie a eu trois conséquences.

Premièrement, la création du portail internet Arago, qui met à disposition l’ensemble des collections photographiques sur Internet. Ensuite, un observatoire du photojournalisme a été créé : un groupe de 6-7 personnes réfléchit et suit l’évolution de la photo de presse, marché minuscule qui ne concerne que 1 200 personnes environ. Cet observatoire a rendu un premier rapport à Visa pour l’Image en 2012, mais depuis, nous n’avons pas eu de nouvelles. La mission de la photographie a permis la création du fond d’aides pour l’image documentaire : un photographe qui réalise un travail documentaire peut, après avoir trouvé des financements, demander une avance sur le reste du financement de son reportage, à charge de remboursement.



Portail Arago

Anonyme, Bouclier Walker pour pose de charges allongées, image extraite du portail Arago


Enfin, j’ai constaté une autre conséquence, indirecte celle-ci, qui n’est pas suffisamment publique mais qui est toute fraîche et récente : au mois de juillet, le ministère de la Culture a lancé un appel d’offres pour faire une étude économique sur la photographie. Ça fait déjà 4 ou 5 ans qu’à l’UPP et à la Saif, je me fatigue à chercher des financements pour faire cette étude. J’en avais beaucoup discuté avec Dominique Sagot du Vauroux, l’économiste qui a réalisé la première étude sur l’économie du droit d’auteur en France, publiée en décembre 2007. On voulait travailler sur l’évolution des différents marchés de la photographie. Mais on n’arrivait pas à trouver les moyens financiers. Et là, nous avons appris qu’un appel d’offre du ministère a été lancé. J’en suis vraiment ravi parce que ça fait 5 ans que l’on parle et c’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

L’observatoire du photojournalisme n’a encore rien produit de véritablement concret donc la seule réalisation utile pour les photographes, c’est ce fond d’aide qui concerne exclusivement la photo documentaire.

Néanmoins, je pense que cette Mission a au moins eu le mérite de pouvoir faire circuler l’information. Il faut bien comprendre que dans la photographie il y a énormément de choses à évaluer. À titre d’exemple, Frédéric Mitterrand s’intéressait beaucoup à la question du patrimoine et du photojournalisme. Dans la question du patrimoine, il n’a pas tort parce que toutes ces réunions ont permis de comprendre qu’il y aura, dans les années à venir, une inflation énorme des fonds photographiques à gérer. Il faut donc vraiment plonger dans la question des fonds photographiques et la conservation du patrimoine. Il n’y a pas que les photographes vivants qui doivent se faire entendre.



Portail Arago

Coburn Alvin Langdon (1882-1966), El Toros, image extraite du portail Arago


OAI13 : À ton avis, pourquoi est-ce que le ministère s’intéresse à la photographie ?

J-A : La photographie a longtemps été la grande oubliée de la culture. Avant, la photographie était inexistante. On parlait de photographie et on nous répondait édition, presse mais on nous répondait jamais photographie. C’est seulement depuis la Mission de la photo qu’il y a eu une évolution culturelle. On parle maintenant d’éducation, de patrimoine, d’économie. On se rend compte que la photographie est omniprésente dans nos vies. Ce n’est pas du tout exagéré de dire que l’on ne peut pas vivre sans images. Peut-être que cette mission a permis une prise de conscience. Et tant mieux.

OAI13 : Pour toi, quel rôle l’Etat a-t-il à jouer vis-à-vis de la photographie ?

J-A : Le même rôle qu’il devrait jouer dans tous les domaines : celui de régulateur, celui de policier. Il y a quelques temps, l’UPP discutait avec un député écrivain qui s’étonnait de l’absence de régulation sur les marchés de la photographie. Aujourd’hui, il n’existe pas d’éléments qui permettent d’encadrer et de contrôler le fonctionnement du marché. L’ultra-libéralisme préconise toujours l’anarchie pour une auto-régulation. Mais non, le marché ne se régule pas tout seul. Ce sont toujours les plus faibles qui en sont victimes. Et ce sont les créateurs, les créatifs, qui apportent la plus-value intellectuelle au marché, mais qui sont pourtant les premiers à mourir. Je pense que l’Etat a un rôle de policier et de régulateur, qu’il ne joue pas vraiment de nos jours.



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Gustave Le Gray (1820-1884), Grande vague, Sète – n°17, image extraite du portail Arago


Pour aller plus loin

  • La Mission de la photographie est créée par Frédéric Mitterrand en mars 2010.
  • Elle réunit près de 80 professionnels de la photographie pour réfléchir à son évolution.
  • La Mission de la photographie a été menée par Daniel Barroy, ancien directeur régional des affaires culturelles, secondé par Manuel Bamberger.
Les applications de la mission de la photographie
    • La création du portail patrimonial internet Arago : photo-arago.fr
    • La création du Fond d’aide à la photographie documentaire contemporaine, géré par le CNAP.
    • La création de l’Observatoire du photojournalisme.
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Molly Benn a co-fondé OAI13 en septembre 2013. Elle en a été la rédactrice en chef jusqu'en 2015. Elle est maintenant Community Editor FR pour Instagram. Ses opinions sur OAI13 sont les siennes et pas celles d'Instagram.

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