La Bibliothèque nationale de France site Richelieu, à Paris, accueille une exposition consacrée au photographe suédois Anders Petersen. Vous avez encore 3 semaines pour la voir, ne vous en privez pas.
Note de la rédaction : ★★★★★
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Le photographe
Né en 1944, Anders Petersen a fondé son parcours sur des rencontres : celle, à 18 ans et à Hambourg, d’une très jeune prostituée qui l’emmènera au café Lehmitz, dont l’ambiance et les clients seront le sujet de la série éponyme qui le lancera quelques années plus tard ; celle, à Stockholm, du grand photographe suédois Christer Strömholm, qu’il admire et dont il devient l’élève ; celle de Kenneth Gustavsson, avec lequel il fonde le groupe photographique Saftra qui, dans les années 1970, réalise des reportages engagés ; et toutes les autres, celles qui donnent sa raison d’être à sa pratique photographique. « Je recherche des personnes et des êtres auxquels je puisse m’identifier : femmes, hommes, chiens, chats… (…) Je crois que je suis le genre de photographe qui désire amitié, compagnonnage et communication, qui essaie de se comprendre et de comprendre autrui. »
Se définissant lui-même comme un photographe documentaire de l’intime, à la recherche de soi à travers les autres, Anders Petersen a, après « Café Lehmitz », réalisé des séries sur les « milieux fermés » : une prison (« Fängelse », 1981), une maison de retraite (« Rågång till kärleken », 1991), un hôpital psychiatrique (« Inger bar sett allt/Mental Hospital », 1995). « Les endroits où les jours sont comptés me fascinent, » dit-il. Parallèlement, il poursuit ses journaux photographiques et ses carnets de voyage : « Close Distance » (2002), « Du mich auch » (2002), « City Diary » (2012).
Anders Petersen travaille à l’argentique, en noir et blanc. Proche de la photographie de rue, il obéit à l’instinct, n’intellectualise pas, succombe à ces rencontres « avec mon cœur et mes tripes », dit-il. « Je ne crois pas avoir de style particulier, mais en revanche, j’ai certainement une approche : j’aime les gens. »
Anders Petersen enseigne, fait des lectures de portfolios et anime des workshops.
L’exposition
« Cette p….. de recherche, ce p….. de désir », lâche Anders Petersen dans le film que lui consacre JH Engström, visible dans l’exposition de la BnF, la première monographique à Paris. « Ce p….. de bonhomme », a-t-on envie de répondre, tant on reçoit de plein fouet son talent, sa maîtrise, son humanité, ses obsessions et la sincérité de ses doutes. Dans l’étroite salle du site Richelieu vous attend, sinon une rétrospective, du moins un large panorama de l’œuvre d’Anders Petersen : 330 tirages, que l’on pourrait répartir entre ses journaux photographiques et ses séries documentaires. Pour les premiers, de grands formats, encadrés ou simplement punaisés au mur (en écho à sa toute première exposition, Café Lehmitz, en 1970 dans le café lui-même ?), qui dominent totalement l’espace, par leur dimension, leur contraste appuyé, leurs sujets souvent crus, la relation frontale qu’ils établissent avec le regardeur, la privation de respiration. Ce sont des accumulations, des associations libres, qui reflètent la manière instinctive, viscérale de photographier d’Anders Petersen, voire peut-être sa frénésie. Beaucoup de visages, beaucoup de corps aussi, quelques chiens, un cimetière sous la neige (en hommage à Christer Strömholm). Pour les seconds, un accrochage linéaire classique, qui invite le regardeur à apprécier l’autre façon de travailler du photographe : l’immersion, dans la durée, au sein d’univers clos et de vies tronquées — prisonniers, retraités, malades mentaux… Dans ces magnifiques portraits au noir et blanc plus doux apparaît une extraordinaire proximité et une totale absence de jugement.
Accueilli par un carnet photographique récent, Rome (2012), le visiteur, à mesure qu’il progresse dans la salle, remonte aux sources. Au fond l’attend « Café Lehmitz », la série par laquelle tout a commencé : dans un bar ordinaire et enfumé, des prostituées,des souteneurs, des alcooliques, des solitudes qui s’amusent, dansent, s’embrassent, se touchent. « C’était chaud, tendre, fiévreux, puissant », raconte Anders Petersen. « J’y ai trouvé un chez-moi, un foyer, et en étant juste ce qu’ils étaient, ces gens m’ont énormément appris. » Des photos prises à la volée, mais soigneusement sélectionnées, comme le montrent les planches contacts annotées exposées sous verre juste à côté.
Enfin, l’exposition présente un film documentaire réalisé en 2006 par JH Engström, qui fut l’élève d’Anders Petersen. On y découvre la personnalité, les failles, les manières de travailler du photographe, et c’est passionnant.
En conclusion, une belle exposition, qui demande du temps et de l’investissement de la part du visiteur, et qui prend sa cohérence scénographique à mesure que l’on y progresse.
Le bilan
Vos raisons d’y aller
– Toutes ! Anders Petersen est un grand photographe, la scénographie est intéressante, le format de l’exposition est ni trop petit ni trop grand… Aucune hésitation à avoir !
Vos raisons de vous en passer
– Objectivement, il n’y en a pas ! Ceux qui connaissent bien l’œuvre de Petersen apprécieront la scénographie et la qualité des tirages, et ceux qui ne connaissent pas feront à n’en pas douter une découverte marquante.
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Anders Petersen
à la Bibliothèque Nationale de France site Richelieu
5, rue Vivienne, 75002 Paris.
Jusqu’au 2 février 2014.
Horaires
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h,
dimanche de 12 h à 19 h.
Tarif
Plein tarif : 7 € ; tarif réduit : 5 €.
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Infos sur l’expo
Commissaire d’exposition : Anne Biroleau, conservateur général au département des Estampes et de la photographie, BnF.
Scénographe : Martin Michel.
Catalogue : Anders Petersen, coédition BnF/max Ström, 400 pages, 350 photographies n&b, 55 €.
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Anders Petersen, 2002.
Anders Petersen, 2006.
Anders Petersen, Café Lehmitz, 1970.
Anders Petersen Café Lehmitz, 1970.
Anders Petersen, Close Distance, 2002.
Anders Petersen, Close Distance, 2002.
Anders Petersen, Karlstad, Suède, 2000.
Anders Petersen, Stockholm, 2000.
Anders Petersen, Soho, 2011.