Perché sur la colline de Ménilmontant à Paris, le Pavillon Carré de Baudoin accueille une très belle exposition rassemblant, pour la première fois dans la capitale, 15 photographes maliens de génération, notoriété et sensibilité différentes. Qu’ils soient connus ou émergents, ces artistes pleins de talent croisent leur regard et nous offrent une vision multiple, complexe et passionnante de leur pays et de l’Afrique. Une exposition hommage, puisque les événements au Mali – le conflit opposant l’armée régulière aux rebelles touareg – ne permettent pas aux photographes d’exposer leurs travaux.
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Du portrait au conceptuel
Ce qui frappe tout de suite dans l’espace d’exposition, c’est la diversité – des regards, des styles, des époques. Aux côtés des portraits des « anciens », Malick Sidibé, Seydou Keita, Adama Kouyaté, maîtres du genre de la photographie de studio, s’exposent des artistes plus jeunes, moins connus en dehors de leurs frontières, qui proposent des démarches conceptuelles, documentaires, plastique ou artistiques.
Dicko Harandane, par exemple, se met en scène dans des lieux en ruines, fusionnant avec le décor et posant la question du rapport entre l’image, le spectateur et le photographe. À l’étage, l’étonnant travail en noir et blanc d’Emmanuel Bakari Daou nous emmène dans un monde de signes et de masques pour traiter de la tradition de la transmission orale, et Sogona Diabaté choisit de témoigner de la vie politique du Mali avec éclat et humour, à travers un montage d’affiches électorales ponctuées de clichés de sa collection de chaussures…
Une société multiple
Tradition, modernité… D’un côté, Seydou Camara, fondateur du collectif Djabugusso, montre comme un trésor les précieux manuscrits de Tombouctou, mémoire de la ville, heureusement mis à l’abri avant l’autodafé perpétré par les djihadistes à la bibliothèque Ahmed-Baba fin janvier 2013. De l’autre, Bintou Camara choisit de décrire la vie des nouveaux immigrés du continent africain : les Chinois, qu’elle suit de capitale en capitale depuis 2011.
Mais notre coup de cœur revient à Amadou Keita, qui offre une vision très personnelle, proche de la photo d’art, de thématiques récurrentes comme la déforestation ou l’image de la femme. Ses images d’arbres, belles sans être esthétisantes, tendent vers l’abstraction, et son travail sur le nu, direct et sensuel, surprend par son audace, dans la composition et le cadrage, comme dans la démarche – dans son texte, il explique combien il lui a été difficile de convaincre ses modèles de poser. Mais au-delà de ce que le nu féminin peut représenter au Mali, cela reste un travail universel sur l’intimité.
Un autre regard
Mêlant les générations et les écritures photographiques, Bamako in Paris offre l’occasion de revoir, avec bonheur, les « classiques » – les portraits de studio – et de découvrir de talentueux jeunes photographes. On en sort enthousiasmé par la pluralité des regards et cet autre visage du Mali et de l’Afrique. Le continent est riche de points de vue sur lui-même, et nous ne pouvons que souhaiter de voir plus d’expositions comme celle-ci.
Bamako in Paris, hommage aux photographes maliens.
Jusqu’au 7 décembre 2013.
Pavillon Carré de Baudoin, 121 rue de Ménilmontant, Paris 20e.
www.carrebaudoin.fr
Photographes présentés : Malick Sidibé, Seydou Keita, Adama Kouyaté, Mory Bamba Souleymane Cissé (cinéaste réalisateur).
Le collectif Djabugusso : Adama Bamba, Bintou Camara, Seydou Camara, Fatoumata Diabaté, Sogona Diabaté, Amadou Keita, Mamadou Konaté, Dicko Harandane.
Emmanuel Daou, l’association OSCURA, Mohamed Camara / Galerie Pierre Brullé.
Commissaire d’exposition : Françoise Hughier.
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Bamako in Paris | Lido © Dicko Harandane
Bamako in Paris | Nu © Amadou Keita
Bamako in Paris | Affiches électorales © Sogona Diabaté
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