L’exposition Guinée : en attente de justice présentée au Centre culturel franco-guinéen de Conakry dresse le portrait des victimes du massacre de Conakry, qui a eu lieu le 28 septembre 2009. Ces hommes et ces femmes ont accepté de poser devant le photographe Tommy Trenchard, à proximité des lieux du drame. Sept ans après, l’enquête est encore ouverte et tous les responsables n’ont pas été jugés.
Il y a sept ans, le 28 septembre 2009, au stade de Conakry, plus de 150 manifestants pacifiques furent tués par les forces de défense et de sécurité, une centaine de femmes violées et des centaines de personnes blessées. L’enquête, ouverte en février 2010 par des juges d’instructions guinéens, n’est toujours pas clôturée même si quelques responsables ont été inculpés, comme l’ancien président de la junte du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), Moussa Dadis Camara, et son vice-président, Mamadouba Toto Camara.
Deux organisations, la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) et l’OGDH (Organisation Guinéenne des Droits de l’Homme) ont souhaité mettre la lumière sur le vécu des victimes. Elles ont fait appel au photographe anglais Tommy Trenchard qui a alors réalisé les portraits de quelques-unes des victimes aux abords du lieu où elles se trouvaient le jour du massacre. Ce travail a donné lieu à l’exposition « Guinée : en attente de justice », présentée au Centre culturel franco-guinéen de Conakry du 29 septembre au 28 octobre prochain. Voici leurs témoignages :
Anonyme
Photographiée au stade national, où elle retournait pour la première fois depuis son arrestation par les forces de sécurité le 28 septembre 2009.
« J’étais au stade le 28 septembre. Les militaires m’ont arrêtée et m’ont envoyée au camp Alpha Yaya Diallo (le principal camp militaire de Conakry), où j’ai été maltraitée pendant 24 heures avec d’autres jeunes femmes. Je veux que justice soit rendue car l’impunité des militaires en Guinée continue et l’État ne garantit pas la sécurité des citoyens. »
Mamadou Saliou Diallo
Photographié à la sortie du stade où il a été presque piétiné à mort pendant le massacre du 28 septembre 2009.
« J’étais dans les tribunes quand ils ont commencé à tirer. Quand la personne qui était en face de moi a été touchée d’une balle à l’épaule j’ai compris qu’ils tiraient à balles réelles. On m’a frappé à la tête et quelqu’un m’a poignardé le pied. Ensuite, près de l’entrée, je suis tombé sur un cadavre et j’ai été piétiné par la foule. Je pouvais entendre les tirs au-dessus de moi, puis je me suis évanoui. « Médecins Sans Frontières » m’a emmené à la morgue, pensant que j’étais mort, mais j’ai vomi du sang à l’entrée de la morgue. Ils m’ont alors conduit en urgence à l’hôpital.
Je ne sens plus mon pied droit et j’ai des douleurs au dos. Je ne suis plus moi-même. J’ai toujours des douleurs. Quelquefois, j’ai l’impression d’être fou. J’espère que Dieu nous aidera à trouver la justice. »
Mariama Thionti Bah
Photographiée au stade national où elle a été attaquée avec une barre en fer par les forces de sécurité et a eu sa main cassée, le 28 septembre 2009.
« Deux policiers m’ont frappée avec une barre en fer et m’ont blessée à la main. Après cela, j’ai été voir un docteur pour recevoir un traitement, mais mon mari a su que j’avais été au stade, et il m’a abandonnée. Ce jour-là ma vie a été détruite. »
Ibrahima Diallo
Photographié au stade national où il a été piétiné en essayant de s’échapper pendant le massacre du 28 septembre 2009.
« J’étais au stade quand ils ont commencé à tirer des gaz lacrymogènes. Les militaires Bérets Rouges sont ensuite arrivés. J’étais dans les tribunes quand ils ont commencé à tirer. J’ai sauté en bas. A l’entrée, les militaires étranglaient des gens à mort. Certains les poignardaient. Un des militaires m’a attrapé par le cou, je suis tombé et me suis fait piétiner.
Je ne peux plus rester assis trop longtemps. J’ai des douleurs dans le bas du corps. J’étais tailleur mais je ne peux plus travailler. Ce que je veux c’est que justice soit faite pour les victimes. Il faut trouver les coupables et les juger, pour que ces choses n’arrivent plus jamais dans ce pays. »
Aissatou Lamarana Barry
Photographiée à l’extérieur du stade national où elle a été violée par des membres des forces de sécurité le 28 septembre 2009.
« J’ai été violée derrière le stade. Depuis ce jour, ma vie n’a plus de sens. J’allaitais et mon mari m’a abandonnée. Mes enfants ne peuvent pas aller à l’école et je ne peux pas payer mon loyer. »
Mamadou Taslima Diallo
Photographié à l’entrée du stade national où il a été frappé par la police le 28 septembre 2009.
« Ils m’ont frappé à la tête et il a fallu cinq jours avant que je puisse entendre de nouveau de l’oreille droite. Je suis très en colère que justice ne soit pas faite et que les coupables soient libres. »
Pour découvrir plus de témoignages, vous pouvez vous rendre sur le site waitingforjustice.fidh.org, et au Centre culturel franco-guinéen de Conakry, Guinée.
Plus de travaux de Tommy Trenchard sont visibles sur son site.