Vous connaissez le Sealand ? La principauté de Christiana ? La république du Saugeais ? Le royaume d’Elleore ? Non ? Nous non plus. Enfin ça, c’était avant de découvrir le dernier livre de Léo Delafontaine : Micronations. Le photographe documentaire a réalisé un sujet sur ces personnes qui décident de créer leur propre Etat sur une ancienne base militaire, au fin fond de l’Australie ou sur une île danoise. Exposé au Photaumnales, à Beauvais, jusqu’au 10 novembre, la série vient d’être publié aux éditions Diaphane dans un beau livre, drôle et très instructif ! Rencontre avec le photographe.
OAI13 : Qu’est-ce qu’une micronation ?
Léo Delafontaine : Une micronation est constituée par une personne ou un groupe de personnes qui prétendent au statut de nation indépendante, qui en présentent les caractéristiques (une monnaie, un hymne national, des timbres…), mais qui n’ont aucune reconnaissance internationale. Il faut bien distinguer les micronations des micro-états ou des territoires autonomes. Une micronation, ce n’est ni le Vatican, ni la Palestine.
OAI13 : Comment t’es venu l’idée de ce sujet ?
L-D : Complètement par hasard. Sur Wikipédia, il y a une rubrique qui s’intitule « les articles insolites de Wikipedia ». J’y ai découvert une entrée sur la principauté de Sealand, qui doit être la micronation la plus connue. Cette ancienne base militaire a été récupérée dans les année 1960 par un mec qui voulait faire une radio pirate. J’ai commencé par m’intéresser à son histoire. Je me suis ensuite rendu compte que ce phénomène n’était pas isolé. J’ai fait des recherches et je me suis dit que ce serait intéressant de faire un sujet sur plusieurs micronations.
OAI13 : Combien de micronations as-tu photographiés ?
L-D : 12. J’ai sélectionné celles qui étaient soit les plus intéressantes, soit les plus photogéniques.
OAI13 : À ton avis, pourquoi crée-t-on une micronation ?
L-D : « Les gens préfèrent être premier dans leur village que second à Rome. » Cette phrase de Jules César s’applique très bien au concept de micronation. On peut se demander s’il y a effectivement un désir de pouvoir, même s’il est illusoire, si c’est une façon d’égayer son quotidien ou encore une façon de rejeter la société ? Je ne sais pas. La plupart des micronations partent de régimes politiques existants donc il n’y a pas de véritable volonté de révolution. Elles n’essayent pas de créer un nouveau modèle. Elles permettent simplement la construction d’un monde à sa propre échelle.
OAI13 : As-tu été bien accueilli ? Certaines photos montrent des pancartes indiquant la mention « No Photos ».
L-D : Oui, j’ai toujours été très bien accueilli ! Les images dont tu parles ont été prises dans la principauté de Christiana, où la vente de drogue est illégale mais tolérée. La rue que je photographie est celle où s’effectue la vente de substances illicites. Il est donc interdit de prendre des photos.
OAI13 : 50% des micronations existantes sont nées ces 50 dernières années. Pour toi, qu’est-ce que cette donnée dit sur la 2e partie du XXe siècle ?
L-D : Les micronations les plus importantes, celles qui sont nées après la Seconde Guerre mondiale, se sont créées par accident, sans prendre conscience qu’elles faisaient partie d’un mouvement. Par contre, avec l’avènement d’Internet, il y a eu une explosion du phénomène parce que les outils de communication et surtout de création d’une vitrine, sont beaucoup plus faciles.
OAI13 : Personnellement, qu’est-ce que ce sujet t’a apporté ?
L-D : D’avoir pu voyager pendant 3 mois. D’avoir dans mon agenda les contacts d’empereurs, de rois, de présidents ! Et d’avoir maintenant 4 nationalités… Plus sérieusement, c’est un projet que j’ai adoré faire parce que c’était très ludique tout en restant intéressant et pertinent sur des questions comme « qu’est-ce qui constitue vraiment un Etat ? » Est-ce la langue ? le territoire ? Tu te rends compte au final que la plupart des micronations répondent pour la plupart aux critères d’un Etat. Simplement, elles n’ont pas de reconnaissance internationale. Par exemple, Hutt River (Australie) est plus grand que Hong Kong. La principauté de Seborga fait 14 fois la principauté de Monaco. Le royaume d’Elleore a été créé 70 ans avant le Sud Soudan. Finalement, qu’est-ce qui fait un Etat ? La reconnaissance par ses pairs ?
Crédits Photos : Léo Delafontaine | leodelafontaine.com
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