Le volume III de l’histoire du livre de photographies par Martin Parr et Gerry Badger était très attendu : les deux premiers volumes s’étaient rapidement imposés comme une somme indispensable pour tout amateur de photographies. D’où provient alors cette légère déception que l’on éprouve en refermant ce troisième volume ?
En 2004 pour le premier tome, et 2006 pour le deuxième, Martin Parr (grand collectionneur de livres de photos) et Gerry Badger publient ce qui va devenir la bible du livre de photographies. Chaque volume référence plusieurs centaines de livres célèbres ou méconnus, mêlant intelligemment les registres du best of et du catalogue de perles rares. L’ensemble est organisé par chapitres historiques et thématiques, suivant les grands mouvements de l’histoire de la photographie et en dévoilant des aspects plus négligés (le livre de photographies d’entreprise). Chaque livre présenté est introduit par un court texte qui le contextualise et donne des éléments sur sa fabrication ; il est accompagné de reproductions miniatures de sa couverture et d’une ou plusieurs double-pages. Edités chez Phaidon, la qualité d’impression de ces volumes est excellente.
Alors qu’on pensait le projet achevé, voici que paraît un troisième volume. Or, les deux précédents étaient si exhaustifs qu’il est permis de se demander pourquoi paraît ce volume III. Il semblerait que les auteurs aient répondu à deux motivations principales : d’une part, l’inflation du nombre de livres de photos publiés récemment (la moitié des ouvrages chroniqués sont sortis il y a moins de dix ans) et d’autre part, les questions posées par l’auto-publication et la place prise par les amateurs dans le monde de la photographie.
Pourtant ce volume III, d’une lecture agréable, se révèle moins indispensable que les deux autres. Voyons pourquoi :
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l’épuisement des ressources : un certain nombre d’ouvrages chroniqués semblent relever du matériel de second choix (surtout en ce qui concerne les ouvrages plus anciens).
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moins de reproductions par livre présenté, problème qui rejoint peut-être le précédent : on détaille moins un ouvrage dont les photographies semblent assez quelconques. Mais du coup, il devient plus difficile pour le lecteur de se faire une idée à propos d’ouvrages parfois totalement introuvables.
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les textes un peu bâclés : d’excellente qualité dans les deux premiers volumes, on est ici surpris par la naïveté de certains commentaires. Ainsi, p 134, un texte se conclut par : « les photographes ne peuvent donc pas plaire à tout le monde ».
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les rubriques un peu fourre-tout. Là aussi, les deux premiers volume ayant épuisé le savant découpage historico-thématique, certains regroupements apparaissent très flous : par exemple, « Vie moderne et livre de photographie ». Le dernier chapitre intitulé « représentation et re-présentation de la photographie » aurait pu, lui, avoir sa place dans le deuxième volume.
Il apparaît donc qu’il aurait été plus logique de publier une réédition des deux premiers volumes augmentée de plusieurs livres chroniqués et d’une ou deux rubriques supplémentaires. Au regard du poids et du coût d’un volume (80 €), on sera gré aux auteurs d’avoir pris soin de leurs fans en ne leur faisant acquérir qu’un volume supplémentaire plutôt que leur faire racheter les deux premiers. Car même si le plaisir est moindre, il reste quand même énorme : découvrir ou redécouvrir les ouvrages de Christopher Wool (p 167), Bares Cariocas de Luiz Alphonsus (p 224) ou le trop méconnu catalogue La Déroute de Nicolas Simarik (p 238), donne un féroce appétit de photographies.
Le livre de photographies : une histoire (volume III), Martin Parr et Gerry Badger
Phaidon, 80 €.