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Les expos photos : il y a celles qui alignent sagement les images à la queue leu-leu sur les murs. Et il y a celles qui semblent vouloir à toute force échapper à cette forme classique de présentation. Mais entre recherche de l’originalité à tout prix et dispositif de monstration cohérent, l’écart est parfois sensible. Est-il indispensable de travailler sur la manière de montrer les photos ?



Erik Kessels
Erik Kessels


Longtemps, les expositions de photos ont consisté à aligner une quinzaine de cadres à hauteur des yeux, régulièrement espacés. Les mains derrière le dos, le spectateur se penchait sur chacune, chaussant parfois ses lunettes pour mieux les scruter. Mais voici que l’espace d’exposition a éclaté et s’est transporté partout : dans la rue, dans la nature et dans les lieux les plus inattendus. Et quand les photos sont revenues dans la galerie ou le musée, elles n’étaient plus les mêmes. Et puis, il y en avait tant qu’il fallait rendre compte de cet excès d’images. Alors, les photographes ont cherché. Dans deux directions : celle de modifier le rapport du spectateur à la photo en changeant la manière de montrer la photo. Celle de modifier la photo elle-même en l’utilisant dans un processus plus large. Démonstration à travers quelques exemples.



Batia Suter
Batia Suter


L’Inde est le sujet de prédilection de Frédéric Delangle. Dans Microshops, l’une des séries consacrées à ce pays, il photographie les échoppes des petits commerçants. Rigoureuse et régulière, la prise de vue frontale cadre le volume de la boutique avec une légère continuité sur l’environnement immédiat. La plupart du temps, le commerçant pose devant ou derrière son étalage.

En 2013 à la MEP, les photos sont présentées en assemblages/empilements qui font écho à la disposition des marchandises dans les échoppes. En 2015, à Bruxelles, le dispositif se change en quasi-sculpture. Objet précieux, socle en bois exotique, le dispositif de monstration intègre efficacement les photos mais passe presque au premier plan.



Frédéric Delangle
Frédéric Delangle



Frédéric Delangle
Frédéric Delangle


Pour que les artistes soient amenés à montrer la photo autrement, il a fallu que celle-ci change de statut et soit traitée non plus comme un tableau photographique à contempler, mais comme un élément ou une matière qui pouvait se plier à de nouvelles formes artistiques. Le passage du médium par l’art conceptuel et ses démarches n’y a pas été étranger : la photo s’échappe hors de son cadre, devient flexible et ne connaît plus de limites.

Surtout, elle s’inscrit à l’intérieur d’un discours élaboré. Ainsi apparaît-elle dans les expositions de l’artiste conceptuel allemand Hans Haacke, support d’une réflexion politique et esthétique. La forme artistique englobe la photo et la dépasse.



Hans Haacke
Hans Haacke



Hans Haacke
Hans Haacke


La photo peut alors habiter l’espace de la galerie comme il lui plaît. De préférence en créant un effet de surprise. Jouer sur des effets d’échelle ou de trompe-l’œil. Se dissimuler ou proliférer. Se fondre dans son support pour mieux signifier. Les pièces et les dispositifs de Batia Suter surprennent à chaque fois. Sans jamais sacrifier le contenu au profit d’une forme qui lui serait extérieure. C’est le cas dans la magnifique installation Surface Series, assemblage de livres de photographies ouverts et posés à plat, présentant différentes surfaces prises en photo. Bien d’autres projets passionnants sur www.batiasuter.org.



Batia Suter
Batia Suter



Batia Suter, Surface Series
Batia Suter, Surface Series



Batia Suter, Surface Series
Batia Suter, Surface Series


Libérée du cadre et du mur sur lequel elle était accrochée, la photo peut faire un tour avant d’y revenir. L’artiste taiwanais Chen Shun-Chu (décédé l’année dernière) a produit plusieurs travaux autour du thème de la mémoire familiale : dans un espace naturel, il crée une sorte d’installation photographique, qu’il va ensuite re-photographier. Une maison en ruine dont les murs sont recouverts de portraits. Un lopin de terre fraîchement labourée et semée de portraits. Ces mises en scènes ne sont pas qu’une façon originale d’installer les images : ce sont elles qui donnent leur sens aux photos, elles en sont le clef de lecture.



Chen Shun-Chu
Chen Shun-Chu



Chen Shun-Chu
Chen Shun-Chu


Tous ces usages parlent d’une évolution de la photographie autant que de l’exposition elle-même (jusqu’à, parfois, être plutôt le reflet des conceptions du commissaire de l’exposition). Ils mettent surtout en avant l’incroyable flexibilité du médium photographique, toujours prêt à changer de taille, de support et de contexte. Toujours disponible pour se plier aux désirs des artistes.



Exposition New Photography au Moma en 2013
Exposition New Photography au Moma en 2013

4 COMMENTS

  1. […] Les expos photos : il y a celles qui alignent sagement les images à la queue leu-leu sur les murs. Et il y a celles qui semblent vouloir à toute force échapper à cette forme classique de présentation. Mais entre recherche de l’originalité à tout prix et dispositif de monstration cohérent, l’écart est parfois sensible. Est-il indispensable de travailler sur la manière de montrer les photos ? Longtemps, les expositions de photos ont consisté à aligner une quinzaine de cadres à hauteur des yeux, régulièrement espacés. Les mains derrière le dos, le spectateur se penchait sur chacune, chaussant parfois ses lunettes pour mieux les scruter. Mais voici que l’espace d’exposition a éclaté et s’est transporté partout : dans la rue, dans la nature et dans les lieux les plus inattendus. Et quand les photos sont revenues dans la galerie ou le musée, elles n’étaient plus les mêmes. Et puis, il y en avait tant qu’il fallait rendre compte de cet excès d’images. Alors, les photographes ont cherché. Dans deux directions : celle de modifier le rapport du spectateur à la photo en changeant la manière de montrer la photo. Celle de modifier la photo elle-même en l’utilisant dans un processus plus large. Démonstration à travers quelques exemples. L’Inde est le sujet de prédilection de Frédéric Delangle. Dans Microshops, l’une des séries consacrées à ce pays, il photographie les échoppes des petits commerçants. Rigoureuse et régulière, la prise de vue frontale cadre le volume de la boutique avec une légère continuité sur l’environnement immédiat. La plupart du temps, le commerçant pose devant ou derrière son étalage. En 2013 à la MEP, les photos sont présentées en assemblages/empilements qui font écho à la disposition des marchandises dans les échoppes. En 2015, à Bruxelles, le dispositif se change en quasi-sculpture. Objet précieux, socle  […]

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