Hillbrow est un des quartiers du centre ville de Johannesburg en Afrique du sud. Enclave blanche durant les années 70, Hillbrow devient dans les années 80 une « grey area », c’est-à-dire un quartier cosmopolite et mélangé, comme la promesse d’une Afrique du Sud nouvelle. Aujourd’hui, Hillbrow est une zone rongée par le chômage, la pauvreté et l’extrême insécurité. Jonathan Woods a suivi les interventions de police durant une des nuits les plus dangereuses de l’année, celle du Nouvel An. Rencontre.
| Par Camille Périssé | Toutes les images © Jonathan Woods
► ► ► Cet article fait partie du dossier de portfolios : En Afrique du Sud
Comment êtes-vu devenu photographe?
Après le lycée en 2007, j’ai remonté, avec mon meilleur ami, l’Orange River de sa source jusqu’à l’océan. C’était un voyage de 2200 km qui a duré trois mois. Ma mère m’avait prêté un appareil argentique pour l’occasion et je suis immédiatement tombé amoureux de la photographie et de sa dimension documentaire. J’ai alors décidé d’étudier la photographie. J’ai assisté des photographes publicitaires et documentaires durant six ans en Afrique du Sud avant d’être signé en 2014.
Pourquoi avoir choisi de photographier le nouvel an dans ce quartier de Johannesburg?
J’ai emménagé dans ce quartier il y a deux ans pour m’intégrer aux communautés que je veux photographier. Le Nouvel An à Hillbrow a toujours eu mauvaise réputation. Les quartiers déshérités de Johannesburg sont considérés comme dangereux, notamment au moment du nouvel an. Photographier un endroit où les photographes ne vont généralement pas et le faire à travers l’événement du nouvel an me semblait un bon sujet.
Lorsqu’un ami journaliste m’a appris qu’il devait réaliser un reportage sur ce sujet pour sa compagnie de télévision, j’ai saisi l’opportunité de photographier cet événement.
Comment les policiers vous ont-ils intégré à leur équipe?
Dans l’après-midi, la police a donné des conseils de sécurité pour la soirée à tous les journalistes. Les policiers nous ont expliqué que des véhicules légers seront utilisés jusqu’à 21h pour être ensuite remplacés par des véhicules blindés pour le reste de la nuit. J’ai convaincu un des capitaines de police de nous prendre mon journaliste et moi, avec lui dans un véhicule léger. Il a fini par accepter tout en nous répétant qu’il ne pouvait pas garantir notre sécurité. Nous nous sommes retrouvés dans la voiture du capitaine de police en charge des opérations. Le capitaine accepté que nous restions avec lui à la condition que lorsque la police court, nous courons. Nous avons couru toute la nuit.
Que dit ce sujet de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui?
J’ai le sentiment que mon sujet parle plus de Johannesburg que de l’Afrique du Sud. Nous vivons en permanence sous la menace de la violence à Johannesburg. Notre quotidien, c’est d’avoir peur de se faire cambrioler, ou d’être victime d’un crime violent où que l’on se trouve. Cependant, ce nouvel an est une lecture personnelle d’un jour particulièrement violent et ne peut pas parler pour les 364 autres jours de l’année. Ce fut le nouvel an le plus calme de ces dernières années. Johannesburg est en progrès. Cette ville a encore besoin de beaucoup de changement mais j’ai le sentiment qu’en soulignant ces problèmes qui sclérosent notre société, nous pouvons nous améliorer et devenir la ville de rayonnement international que Johannesburg peut être. Nous sommes la New-York d’Afrique où les rêves peuvent devenir réalité ou bien être broyés.
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