On vous dit « yakuzas », vous pensez mafia, crime et évidemment tatouages. Ces hommes réputés pour la pratique traditionnelle impressionnante de l’irezumi ont fait l’objet d’un long reportage signé du photographe belge Anton Kusters, exposé pour deux semaines à Montpellier pour les Boutographies 2014.
► ► ► Cet article fait partie du dossier Tatouages, histoires et regards
A la découverte du travail d’Anton Kusters sur les Yakuzas, on est tout de suite frappé par une image : celle d’un homme de dos, nu, révélant son corps presque entièrement tatoué. Comment ce photographe belge a-t-il réussi à entrer dans une intimité telle avec les yakuzas pour qu’il puisse les photographier nus ? C’est la question que l’on se pose instantanément. OAI13 a rencontré Anton Kusters à Montpellier et c’est en plein milieu d’un après-midi long et chaud qu’il nous a raconté son histoire
En 2008, Anton Kusters rend visite à son frère vivant au Japon loin de sa terre natale, la Belgique. Lors d’un séjour à Tokyo, ils vont tous les deux boire des coups dans un petit bar qui ne pouvait contenir plus de 4 personnes. Alors qu’ils réfléchissent ensemble à un moyen de se voir plus souvent malgré la distance, un homme fait son entrée, ils se doutent tout de suite qu’il s’agit d’un yakuza. Ils ont une façon de s’habiller très nette, des ongles manucurés, une coiffure irréprochable. L’homme dit quelques mots au barman, puis s’en va. Les deux frères se regardent : le voilà leur raison de se voir plus souvent !
S’en suit 10 mois de négociations pendant lesquels ces mafieux japonais testeront la confiance du photographe belge. Une fois les épreuves réussies, Anton Kusters est invité à une cérémonie durant laquelle il doit remettre au chef des yakuzas une lettre manuscrite dans laquelle il expose son projet. L’accord est prononcé. Le deal est simple : Anton a le droit de tout photographier, quand il le souhaite et comme il le souhaite, s’il consent à ne pas photographier des actes criminels ou de torture. Afin d’être complètement libre de ses gestes, Anton prend l’initiative de montrer chaque semaine l’intégralité de ses photos au groupe des yakuzas. Le photographe belge va même jusqu’à leur donner le droit de regard sur absolument chacune de ses images.
Chaque semaine, il leur donne rendez-vous, étale toutes ses photographies sur la table, puis leur montre son choix de photos : en deux ans, il ne s’est vu refuser aucune photographie. Anton a pu évoluer dans le milieu des yakuzas, à sa guise, sans porter de jugement, simplement en le documentant.
Sur son site il écrit :
« Alors qu’ils pénètrent dans ce lieu, je vois les très subtiles interactions sociales se mettre en œuvre : micro-expressions sur les visages, gestes, voix et intonations, langage des corps. Le respect absolu. Le facteur criminel. Alors que les clients s’écartent silencieusement du bar pour faire de la place au Parrain, tout semble soudain s’agencer rigoureusement, et ce dans le plus grand naturel. Paradoxalement, je n’ai pas besoin que l’on me dise ce que j’ai à faire, où m’asseoir, quand parler et quand me taire. C’est comme si les règles et les attentes implicites étaient déjà intégrées par chacun, sans que la moindre parole ne soit nécessaire. » Anton Kusters
Quand on demande à Anton Kusters comment il a réussi à photographier les tatouages des yakuzas, il répond que c’est l’une des choses les plus simples qu’il ait eu à faire. Les tatouages font partie de l’identité et de la fierté des yakuzas. Un touriste pourrait entrer dans un bar, approcher un yakuza et lui demander de photographier ses tatouages et le concerné accepterait. En revanche, tout le reste : leur vie au quotidien, leurs habitudes, leurs visages, leurs doigts coupés, les prostituées, la douleur pendant le processus de tatouage… C’est une autre histoire. on vous laisse regarder les images.
Site internet : antonkusters.com