A Unseen, la foire photographique internationale qui s’est déroulée à Amsterdam du 26 au 29 septembre, il y avait aussi des expositions. Parmi celles-ci, « Visually Impaired », un projet plutôt surprenant réalisé par Carina Hesper, jeune photographe hollandaise : dans un container installé sur le parvis du Westerpark, des tirages… tout noirs. Et un panneau : « S’il vous plaît, touchez ».
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Des regards troublés
Le spectacle est pour le moins inhabituel : les visiteurs s’approchent des photographies et y apposent leurs mains, leurs avant-bras… En faisant soi-même l’expérience, on découvre que sous l’effet de la chaleur, la texture noire – de l’encre thermochromatique – s’efface pour laisser apparaître des enfants au regard troublé : de jeunes aveugles, photographiés dans un orphelinat chinois. Par petites touches, on dégage totalement le visage de sa gangue opaque. Au-delà du processus technique étonnant, on comprend vite qu’en s’impliquant dans l’image, on permet à celle-ci de surgir et à l’enfant d’occuper l’espace, de regarder celui ou celle qui ne voit pas.
Toucher = voir
À l’origine de ce projet, une fascination pour ce procédé technique, que Carina Hesper a d’abord appliqué à des photographies de paysages. Mais très vite, elle réalise que le sujet des photographies doit avoir un rapport avec le fait qu’on doit les toucher.
C’est à l’occasion d’une résidence en Chine que « Visually Impaired » se met en place. La rencontre avec de jeunes enfants vivant dans un orphelinat est décisive.
« Ces gosses qui ont été abandonnés ont été placés là comme au rebut. Avec la politique de l’enfant unique en Chine, les nourrissons atteints de cécité atterrissent souvent dans des institutions. Et il y sont oubliés – personne ne vient les voir, personne ne veut les voir ! Par ce travail, le seul fait de toucher l’image pour les faire apparaître représente un contact », explique Carina, « et pour moi c’est devenu vraiment important d’établir cette relation. »
Prendre le temps
« Certains aveugles sont dans le noir complet, d’autres sentent l’effet de la lumière », continue-t-elle., « et j’ai voulu traduire ce ressenti. Les enfants me touchaient le visage pour m’identifier. Pour eux, toucher égale voir ! Par ce travail, je souhaite rapprocher le spectateur de leur manière de découvrir l’autre. »
La notion de temps est au centre de tous les travaux de Carina Hesper, et il est ici primordial : plus on appose les mains, plus l’image se dévoile. C’est le spectateur qui décide, par le temps qu’il y consacre, de faire apparaître les enfants en partie ou en totalité, et pour un moment provisoire. Dès les mains ôtées, l’encre recouvre à nouveau l’image.
Autre effet de ce procédé : lorsque la température ambiante est suffisamment élevée, les visages émergent tout seuls, sans que personne ne puisse savoir quand ils disparaîtront à nouveau – une autonomie qui donne une autre dimension au travail de Carina Hesper.
« Un jour, personne ne sait quand, l’effet de l’encre va cesser. Et les visages apparaîtront définitivement. Cette inconnue me plaît aussi – ces enfants ont le droit d’être là pour toujours », conclut l’artiste.
Pour cette série, Carina Hesper a sélectionné 40 de ces photographies prises à l’argentique et a le projet d’en faire un livre avec le même procédé. « Un livre noir », dit-elle. Et ensuite ? « Je poursuis mes recherches en vue d’un autre projet, avec une encre d’un type différent. » Nous n’en saurons pas plus.
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