Carolle Benitah, photographe marocaine vivant en France, fait partie de l’exposition collective « Voir le Maroc autrement » à l’Hôtel de Sauroy. OAI13 vous propose aujourd’hui un focus sur son travail.
| Par Camille Périssé | Toutes les images © Carolle Benitah
► ► ► Cet article fait partie du dossier : MOIS DE LA PHOTO | #03 : Photographie méditerranéenne
L’artiste Carolle Benitah est née au Maroc en 1965. A l’âge de 17 ans , elle part habiter en France. Diplômée de la chambre Syndicale de Couture de Paris, elle devient styliste. En 2001, suite à différentes épreuves personnelles, elle décide de tout quitter et de se former à la photographie. Lorsque qu’elle redécouvre des photographies de son enfance, c’est l’étrangeté de ces images qui la saisit plutôt que la nostalgie. Loin de se souvenir du contexte de la prise de vue, chaque image de Carolle Benitah enfant devient un rapport paradoxal à son identité, à son histoire et au temps, entre distance et familiarité. L’artiste modifie et réinterprète alors ses souvenirs par la broderie et le perlage. Plus qu’un travail personnel, son œuvre questionne la notion même de « Photo-souvenir ».
Carolle Benitah remonte le cours de sa mémoire de manière paradoxale, comme à contre-courant. Elle intervient au fil rouge sur les images la représentant enfant. Comme un fil d’Ariane entre le passé et le présent, la broderie permet à l’artiste de comprendre comment son enfance a forgé son identité adulte en réinterprétant ses souvenirs à l’aune de ce qu’elle est devenue.
Comme sur une poupée Vaudou inversée, percer la photographie avec une aiguille permet d’évacuer la douleur, d’exorciser la peine. Chaque photo brodée réécrit une image du passé, une scène de l’enfance. A l’instar d’un montage cinématographique qui découpe, recoud et sous-titre l’image pour raconter une histoire, le travail de Carolle Benitah est une narration. Contrairement à une thérapie classique qui décortique une symbolique, l’artiste file des métaphores et ajoute des éléments à ses photos-souvenirs. Elle emprunte aux contes, à l’imaginaire collectif pour faire son « story-telling » personnel et intime. Les souvenirs deviennent cathartiques.
Le choix de la broderie n’a rien d’anodin ou de ludique. Dans l’histoire familiale, la couture et la broderie sont des activités importantes. Signe de bonne éducation, les femmes font ces menus travaux pour attendre le retour de leurs maris. Autant de valeurs inculquées au moment de l’enfance par les générations précédentes et qui deviennent obsolètes à l’âge adulte. Devenue couturière de métier, c’est donc toute son identité, sa double culture franco-marocaine et sa place de femme dans la structure familiale, que Carolle Benitah remet en question par l’utilisation du fil et d’une aiguille.
Ce travail est exposé dans le cadre du MOIS DE LA PHOTO 2014
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