La dernière édition du mois de la photo de Montréal portait sur l’image automatisée. Dans ce cadre, la photographe Véronique Ducharme exposait un projet surprenant où l’animal de la forêt prend lui-même son propre portrait : « Encounters ». L’appareil photo disposé dans un environnement naturel se déclenche automatiquement à toute détection de mouvement. Dans l’obscurité des bois et parmi les feuillages, on découvre une vie sauvage, celle à laquelle l’homme n’appartient pas.
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« Je tente de traduire visuellement une expérience d’altérité, un profond vertige par rapport au mystère de l’Autre »
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OAI13 : Comment êtes-vous devenue photographe ?
Véronique Ducharme : Je suis devenue photographe d’abord car j’aimais l’obscurité et la quiétude de la chambre noire, et surtout l’apparition de l’image dans l’obscurité. Il me semblait que la photographie était vivante et c’est ce qui m’attirait le plus.
C’est un médium qui demande beaucoup d’observation et de silence. Cela répond à ce dont j’ai besoin. J’ai été inspirée par d’autres photographes et j’ai décidé de faire des études en beaux-arts spécialisées en photographie au Canada et à Londres.
OAI13 : Quels univers vous inspirent ?
V-D : En général, je m’intéresse au rapport à l’Autre. Mes travaux photographiques tentent de donner forme aux questions qui m’habitent. Les sujets et les techniques que j’utilise varient, mais fondamentalement, je crois toujours poursuivre le même chemin. Je tente de traduire visuellement une expérience d’altérité, un profond vertige par rapport au mystère de l’Autre. Plusieurs choses m’inspirent : les objets, la forêt, les animaux. J’aime me retrouver dans une position où je ne suis pas en plein contrôle, mais où les choses viennent intervenir dans le processus.
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« J’ai décidé de développer un projet où la relation entre l’appareil et la forêt serait au centre de l’œuvre »
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OAI13 : Comment en êtes-vous arrivée à la série « Encounters » ? Comment avez-vous mis en place le dispositif technique ?
V-D : J’ai vu par hasard des images prises à l’aide d’une caméra de chasse. Ces caméras se déclenchent par le mouvement. Les chasseurs les utilisent pour obtenir de l’information sur leurs proies potentielles. Les images me fascinaient et j’ai tout de suite voulu travailler avec ce dispositif. À ce moment, je m’intéressais à la forêt et à la subjectivité de l’appareil photographique, j’ai donc décidé de développer un projet où la relation entre l’appareil et la forêt serait au centre de l’œuvre.
Durant une année, j’ai disposé des appareils automatiques dans la forêt. Les images obtenues varient: il y a des images d’animaux bien sûr mais aussi beaucoup « d’erreurs » de détection de l’appareil, comme les levers et couchers de soleil, le vent dans les arbres, la neige qui tombe et qui a fait déclencher l’appareil. Il y a aussi une bonne quantité d’images complètement noires ou sous-exposées.
À partir des images numériques obtenues avec les appareils automatiques, j’ai ensuite créé une installation à trois projecteurs de diapositives où les images apparaissent et disparaissent à des rythmes et durées variables sur les murs de la galerie. J’ai choisi de transférer les images numériques sur diapositives car le son, la chaleur et la lumière des projecteurs à diapos étaient essentiel pour moi, et ce rendu n’auraient pas été possible avec des projecteurs numériques.
J’ai choisi des images qui représentaient bien l’ensemble des photos que j’avais obtenues. Je ne m’intéressais pas au images spectaculaires d’animaux ; je ne suis pas un chasseur, je m’intéressais au dialogue entre l’appareil et la forêt.
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« Sans mon intervention et sans mes décisions, l’œuvre ne pourrait pas exister, pas plus qu’elle ne pourrait exister sans la participation de l’appareil et des éléments de la forêt »
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OAI13 : Où est le rôle du photographe quand la prise de vue est un « accident » ?
V-D : Ce qui crée l’œuvre ici, c’est une série de relations entre l’appareil, la forêt et l’humain. Mon rôle consiste à orchestrer des relations. Évidemment sans mon intervention et sans mes décisions, l’œuvre ne pourrait pas exister, pas plus qu’elle ne pourrait exister sans la participation de l’appareil et des éléments de la forêt.
OAI13 : Qu’avez-vous appris avec cette série ?
V-D : J’ai appris beaucoup de choses avec ce projet. Évidemment, je suis devenue familière de certains éléments relatifs à la chasse, mais j’ai aussi acquis une nouvelle façon de regarder la technologie et les choses qui nous entourent. J’ai réalisé que l’on vit dans un monde très complexe de relations. Les choses qui nous entourent sont très présentes et nous (l’humain) ne sommes pas au centre de cela. Nous ne sommes qu’une partie de la toile.
Site internet : veroniqueducharme.com
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