Cet article fait partie du dossier de la semaine du 12.05.14 : Les univers criminels
La photographie criminelle a, depuis sa naissance, servi à immortaliser des scènes de crimes pour les enquêteurs et la justice. Mais cette photographie neutre, objective, scientifique s’est vite diffusée dans les pratiques de certains photographes pour créer des œuvres d’art. C’est notamment le cas d’Angela Strassheim qui dans sa série Evidence immortalise les traces de crimes longtemps après qu’ils soient perpétrés.
Angela Strassheim, photographe médico-légale
Après des études aux beaux-arts, Angela Strassheim suit une formation de 10 mois pour devenir photographe médico-légale. Elle exerce ce métier durant 6 ans avant de travailler sur ses projets personnels et diffuser son travail d’artiste. Evidence est une série de photographies de scènes de crimes passionnels plusieurs années après les faits. Angela Strassheim s’est munie d’un appareil qui capture les traces d’ADN grâce à la présence de protéines dans l’espace. Selon la photographe, ces substances restent présentes dans ces lieux même après le nettoyage en profondeur du mur, le changement de moquette, du papier peint ou de la couleur de la peinture.
Le crime ne disparaît jamais
Des traces de doigts sur une porte, des éclats de sang sur les murs et les rideaux, Angela Strassheim semble se trouver au plus proche de la scène de crime. Pourtant, elle ne photographie aucun corps, elle se rend sur les lieux plusieurs années plus tard : on ne peut faire plus distant au regard de son processus artistique. L’absence et l’obscurité rendent ces photographies d’autant plus puissantes. Notre imagination se surprend à frissonner à l’idée de la violence qui s’est déroulée dans ces lieux et dont les photographies d’Angela Strassheim sont le témoin.
Les crimes dans l’intimité
En parallèle de ces images en noir et blanc, Angela Strassheim a réalisé des clichés des maisons où ces crimes ont eu lieu, vues de l’extérieur, afin de prouver sa présence sur place. Elle a photographié des façades de maisons dans des quartiers résidentiels, des façades d’immeubles. Ces lieux qui abritent l’intimité de familles sont le théâtre de drames dont on n’a pas idée. La froideur et le systématisme de la prise de vue d’Angela Strassheim contrastent avec la gravité du sujet et la proximité que l’on ressent vis-à-vis des victimes. Alors, que reste-t-il après un crime, après un deuil, après un jugement, une fois que le temps est passé ? Il reste l’âme de fantômes qui tels de la poussière invisible, s’accrochent aux murs pour n’en jamais disparaître.
Toutes les photos : © Angela Strassheim