Dans le 11e arrondissement, la galerie Un livre, une image, habitée par Emmanuelle Fructus, vend photographies anonymes et livres d’auteur. Le prix d’une image ? de 5 à 200 euros. Pas exactement la gamme de prix que l’on imagine pour une galerie. Chez Emmanuelle, presque rien n’est exposé. Tout est classé dans des piles de boîtes à thèmes. À vous de choisir votre boîte, de l’ouvrir, et d’y trouver votre bonheur.
[pullquote type= »2″]En créant ce lieu, en décidant consciemment de défendre la photographie anonyme, je crois que je voulais rendre hommage à toute cette photographie modeste. Je voulais défendre les petites images.[/pullquote]
Emmanuelle Fructus collectionne toutes sortes de choses depuis l’enfance. Mais c’est après des études de photographie à l’université et aux Gobelins, qu’elle commence à collectionner des images. D’abord pour les agences pour lesquelles elle travaille, puis pour les salles de vente avec lesquelles elle collabore, et enfin pour elle quand elle crée en 2006 sa galerie Un livre, une image.
Du début de la photographie aux années 1980, elle possède tous types d’épreuves. Elle s’est d’abord intéressée à la photographie de famille avant de s’élargir aux images de presse. Photos de poissons, de travaux ménagers, de chiens ou de gens en train de dormir, photofilmage et photos colorisées, la galerie d’Emmanuelle est une véritable caverne d’Ali Baba.
Portrait d’Emmanuelle Fructus par Molly Benn
Quelle valeur ont ces photographies ? Historiques d’abord, elles sont le témoin du temps et des usages sociaux. Leur valeur pécuniaire dépend surtout de qui possède l’image, quand et de ce qui en est fait. Peu de marchands spécialisés spéculent sur cette photographie moyenne. Elle est surtout utilisée comme image document, archivée, classée, elle raconte la société dans ses moindres détails.
[pullquote type= »2″]Mon travail consiste finalement plus en la lecture d’une image plus que la vente de celle-ci. Je défriche et propose. Je suis commerçante mais je fais un travail d’archiviste.[/pullquote]
L’image anonyme est souvent une œuvre unique. Et si elle est très répétitive, il est extrêmement rare de trouver plusieurs exemplaires d’un même tirage. Elle est attachée à des rites et des évènements sociaux. On se photographie lors de son mariage, pendant les vacances et au baptême de son neveu et se rend compte assez vite que nous faisons toujours les mêmes images. Elle est révélatrice de l’évolution de nos sociétés. On ne photographie pas une famille en 1870 comme en 1980. Plus le temps passe, plus on se rapproche du visage, plus on entre dans l’intimité des sujets photographiés. L’objectif d’Emmanuelle Fructus ? Donner ses lettres de noblesse à la photographie anonyme. Elle n’entrera peut-être jamais dans les musées, mais elle peut au moins être considérée comme un document important.
De nombreux artistes travaillent aujourd’hui avec la photographie anonyme comme Thomas Sauvin ou Sylvie Meunier, exposée cette année au festival Portrait(s) de Vichy.
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