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Le marché de l’édition indépendante : ses acteurs, son public

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Quand Paris Photo prend ses quartiers au Grand Palais, cette grand-messe des galeries et des collectionneurs n’entraîne pas dans son sillage que d’autres foires photographiques. Cette semaine ont lieu, dans la capitale, plusieurs manifestations autour de l’édition indépendante et de l’auto-édition, toutes bien différentes : Offprint Paris, Books & Coffee et une nouvelle venue, Photobookfest. Car en ces temps de crise, une constatation s’impose : l’offre en matière de livre photographique ne cesse d’augmenter. Aux côtés des « grandes » maisons ont surgi une multitude de petites structures, et les photographes éditant eux-mêmes leur livre sont de plus en plus nombreux. Une belle preuve de vitalité, mais aussi que la nécessité d’un marché alternatif de l’édition photographique est bien réelle. Pour quelles raisons ? Et à l’intention de quel public ? Nous avons posé, parmi d’autres, ces questions à Yannick Bouillis, fondateur d’Offprint Paris, et à Emilie Hallard et Pablo Porlan, qui ont initié Photobookfest.

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Offprint Paris

Offprint Paris est une foire d’édition d’art axée sur les pratiques émergentes, qui accorde une attention particulière à l’évolution de l’édition et du commissariat des « espaces » traditionnels (catalogues, livres d’artistes, livres photographiques, presse, musées, écoles…) vers de nouvelles sphères et structures (édition indépendante, auto-édition, sites internet, réseaux sociaux, activités non institutionnelles…). Créée en 2010 par Yannick Bouillis, ancien libraire et journaliste, elle accueille, pour cette 3e édition, plus de 100 structures – maisons d’édition, publications, sites internet, associations, se plaçant à l’avant-garde de l’édition d’art.

OAI13 : Comment est née Offprint Paris ?
Yannick Bouillis : Assez simplement : j’ai commencé comme marchand de livres rares (livres d’artistes et livres de photos), travail que j’ai beaucoup aimé pour une raison alors simple – il me permettait d’avoir accès à des livres qu’on ne voyait jamais, même brièvement !
Mais j’en ai vite fait le tour et je suis passé à l’extrême inverse : l’avant-garde, l’émergent en art contemporain, la photographie et le graphisme. Je me suis alors mis rapidement en contact avec toute une galaxie de micro-éditeurs issus essentiellement des meilleures écoles d’art, et j’ai commencé à rassembler leurs publications… jusqu’à ne plus pouvoir endiguer le flot. La difficulté n’était plus la rareté ni le prix, mais la vitalité de ce monde, malgré sa relative invisibilité. L’idée m’est donc venu d’organiser un événement où ces éditeurs seraient présents, montreraient ce qu’ils font, plutôt que de tenter moi-même, vainement, de rassembler et de donner une image juste de la totalité de leur production sur une année. J’ai commencé Offprint en 2010, dans une salle de mariage, puis en 2011, dans un lycée. L’édition 2013 se déroule, pour la deuxième année, en partenariat avec les Beaux-arts de Paris.

OAI13 : Vous placez l’édition, au sens large, au centre d’une analyse du monde de l’art contemporain. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette réflexion ?
Y. B. : Oui, c’est exact. J’oppose dans l’art le « curating » au « publishing » pour reprendre des termes anglosaxons bien identifiés intellectuellement : l’exposition et l’édition. Non pas qu’ils soient en opposition – ils sont complémentaires -, mais ils doivent être distingués pour comprendre la sous-évaluation de ce champ de l’art. En effet, de l’art il n’est aujourd’hui question qu’à travers la figure de l’exposition (et la figure du curateur), quasiment pas à travers l’édition (et la figure de l' »éditeur », au sens large : l’artiste éditeur, le magazine d’art, la maison d’édition, les publications d’écoles…). Penser l’art en général revient à le penser dans le langage de l’exposition, ce qui est un tort à mon avis. Je pense que l’histoire de l’art peut être aussi pensé à partir de la notion de publication. Si l’on fait attention quelques minutes à ce qui se passe dans l’art et au mode de circulation des idées, on se rend compte que la priorité doit être donnée aux publications, pas aux expositions : un catalogue ou un livre d’artiste circule plus facilement et plus librement qu’une exposition !

OAI13 : Offprint accueille, notamment, des maisons d’édition photographique indépendantes. Comment s’inscrivent-elles dans cette manifestation ?
Y. B. : La particularité de la photographie, c’est d’être essentiellement structurée par les publications photographiques. C’est là que les choses se passent, pour ainsi dire. Qu’il s’agisse d’un livre photo ou d’une série dans un magazine de mode, c’est là que se trouvent et se retrouvent les avant-gardes, tant la pauvreté institutionnelle (les musées) est évidente. Pour un musée ou un centre de photographie, combien de lieux pour l’art contemporain ? Et en graphisme, la situation institutionnelle est encore plus pauvre : il n’y a quasiment rien (tout est « imprimé » ou « online »). Si, dans l’art contemporain, les publications sont un élément essentiel de structuration du champ, dans la photographie, elles en sont l’élément fondamental. Agir en photographie, c’est faire des livres ou publier un magazine. Rien d’autre. L’exposition vient toujours après, voire un peu trop tard. A part peut être au BAL (lieu d’exposition à Paris) et au Foam (musée de photographie à Amsterdam), il ne m’est jamais arrivé de découvrir quelque chose en photographie dans un musée de photo.

OAI13 : A quel public s’adressent-elles ?
Y. B. : Il faut être honnête: les avant-gardes ne parlent qu’aux avant-gardes. Alors que tous les discours ont le droit à leur ésotérisme (qui comprend le discours des nanotechnologies ? de la physique quantique ? de la philosophie ?), l’art est sommé d’être compris de tous, d’être toujours accessible. Je m’y refuse, non par arrogance, mais parce qu’il est normal que des gens qui travaillent toute la journée sur un sujet deviennent spécialistes de la question, jusqu’à aboutir à une forme de complexité qui exclue. La complexité est en train de déserter les musées d’art contemporain, qui sont pris dans des enjeux de politique économique urbaine. J’essaye de la préserver à Offprint, ce qui est un peu plus facile, car je ne suis identifié par personne pour l’instant.

OAI13 : Selon vous, en quoi un marché alternatif de l’édition, notamment photographique, est-il nécessaire ?
Y. B. : Pour les raisons évoquées: la pauvreté institutionnelle. Contrairement à ce que l’on pense, la photographie n’est, institutionnellement, nulle part. Et quand elle fait l’objet d’un musée ou d’un festival, la curation est immédiatement grand public, très accessible. Il y a très peu d’espaces dans le monde qui tentent de dire des choses, hormis les deux espaces que j’ai cités. Bref, le livre est la seule alternative… Mais tout le monde la vit bien, le monde de l’édition n’a pas cette pesanteur mondaine du monde de l’exposition.

 

Le Photobookfest

C’est la 1re édition de ce festival issu de l’ « antenne » parisienne du Photobook Club, né en 2011 en Grande-Bretagne. Depuis, on compte plus d’une vingtaine de ces initiatives dans le monde, dont la vocation est de rassembler, le temps d’une réunion, des passionnés du livre photographique. Ouverts à tous (la seule condition est de s’inscrire et d’amener un livre), les Photobook Club souhaitent faire découvrir des ouvrages récents ou non, parfois autour d’une thématique, de privilégier l’échange et la discussion, et de promouvoir l’esprit DIY (« Do it yourself », « Faites-le vous-même ») de l’auto-édition. Le Paris Photobook Club est animé par Emilie Hallard et Pablo Porlan, tous deux photographes.

OAI13 : Comment est né Le PhotobookFest ?
Emilie Hallard et Pablo Porlan : Le PhotobookFest est une prolongation assez organique du Paris PhotobookClub, c’est à dire l’envie de continuer à rassembler des passionnés du livre photo, dans une démarche participative et DIY, mais autour de nouvelles activités. C’est aussi l’envie de profiter de l’effervescence de Paris Photo pour réunir, pour la première fois, les autres Photobook Clubs venus du monde entier à cette occasion.

OAI13 : Quelle alternative souhaitez-vous proposer avec cette manifestation ?
E. H. et P. P. : Le PhotobookFest, pour commencer, n’est pas une foire. Il s’agit d’un festival qui a pour vocation de rassembler les acteurs du livre photo dans un contexte et un cadre plus informel, de stimuler les échanges et les rencontres ainsi que d’encourager et de soutenir la scène jeune et indépendante du livre.

OAI13 : Quel en est le public ?
E. H. et P. P. : Le PhotobookFest s’adresse à tous les amoureux du livre photo, curieux de découvrir de nouveaux ouvrages et désireux de pouvoir échanger de manière plus proche et informelle avec les différents acteurs de la scène indé du livre photo.

OAI13 : Qu’apportent, selon vous, les structures indépendantes au marché de l’édition photographique ?
E. H. et P. P. : Elles apportent beaucoup de dynamisme, de liberté et de créativité. Elles font souffler un air frais sur un marché qui s’avérait souvent rigide et contraint d’obéir à des exigences économiques fortes. Elles sont très représentatives de notre époque, à savoir des pratiques plus jeunes et audacieuses, où la volonté de créer et de participer est le principal moteur, où l’on ne se limite plus aux institutions pour être acteur.

 

Avec Books & Coffee, mini-salon de l’édition indépendante rassemblant cette année encore une bonne dizaine de structures venues du monde entier, Offprint et Le Photobookfest révèlent l’essor et la créativité des éditions indépendantes et de l’auto-édition face aux structures plus classiques et aux institutions, dont, paradoxalement, la marge de manœuvre en termes de risques est plus étroite. Pour bon nombre de photographes, un livre est la meilleure finalité d’un projet, là où une exposition ou une réalisation « 2.0 » reste une expérience, une étape. Or devant la difficulté de convaincre un « grand » éditeur, beaucoup se tournent vers ces petites structures, plus réceptives, plus téméraires, qui déploient inventivité et dynamisme pour contourner les difficultés financières. D’autres se lancent dans l’auto-édition, produisant des ouvrages d’une grande qualité artistique à tirage très limité ou des « zines » sur papier journal parfois distribués gratuitement. Tous ont le même désir d’exister sur un support palpable, sensoriel et pérenne, aboutissement d’une réflexion entre l’image, le texte, le graphisme et l’impression. Lieux d’échange, de partage d’expériences et de compétences, champs d’exploration de la transmission, l’édition indépendante et l’auto-édition, dans leur énergie et leur audace, ouvrent sur des possibles pour le moins réjouissants.

 

Offprint Paris, du 14 au 17 novembre.
Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 14, rue Bonaparte, Paris 6e.
Site internet : www.offprintprojects.com

Photobookfest, du 15 au 17 novembre
L’Ancienne imprimerie/Picturetank, 19, rue Bisson, Paris 20e.
Site internet : lephotobookfest.wordpress.com

Books & Coffee, du 13 au 17 novembre.
Téléscope, 5, rue Villedo, Paris 1er.
Infos sur Facebook : facebook.com/events/

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FP&CF (France)_

FP&CF (France), « Tell mum everything is ok », revue collective

Bemojake (G.-B.) "Work in Progress", de Maxwell Anderson

Bemojake (G.-B.), « Work in Progress », de Maxwell Anderson

Ghost (Portugal)_"Please Hold", de Kameraphoto

Ghost (Portugal), « Please Hold », de Kameraphoto

Little Brown Mushroom (USA)_"Iris Garden", de William Gedney (texte de John Cage)

Little Brown Mushroom (USA), « Iris Garden », de William Gedney (texte de John Cage)

GwinZegal (France) "Ruins", de Raphaël Dallaporta

GwinZegal (France), « Ruins », de Raphaël Dallaporta

Poursuite Editions (France) "Contacts", de Toshio Shibata

Poursuite Editions (France), « Contacts », de Toshio Shibata

Mack (G.-B.) "The Hidden Mother", de Linda Fregni Nagler

Mack (G.-B.), « The Hidden Mother », de Linda Fregni Nagler

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  1. […] Quand Paris Photo prend ses quartiers au Grand Palais, cette grand-messe des galeries et des collectionneurs n’entraîne pas dans son sillage que d’autres foires photographiques. Cette semaine ont lieu, dans la capitale, plusieurs manifestations autour de l’édition indépendante et de l’auto-édition, toutes bien différentes : Offprint Paris, Books & Coffee et une nouvelle venue, Photobookfest. Car en ces temps de crise, une constatation s’impose : l’offre en matière de livre photographique ne cesse d’augmenter.  […]

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