Dans son projet You haven’t seen their faces, Daniel Mayrit expose les visages des cent personnes les plus puissantes de Londres, affichées symboliquement comme les responsables de la crise financière de 2007-2010. L’artiste espagnol a parcouru les vidéos du CCTV (système de videosurveillance) londonien afin de les isoler.
► ► ► Cet article fait partie du dossier La surveillance, une autre réalité
L’histoire derrière cette série
Quelques mois après les soulèvements londoniens de 2011, la police de la ville a distribué dans la rue des tracts montrant les visages de jeunes soupçonnés d’avoir participé aux violences en marge des manifestations. Les portraits imprimés sur ces papiers sont pixellisés, de mauvaise qualité. Ils sont tirés d’images de vidéosurveillance.
Cette distribution choque profondément Daniel Mayrit. Ces images, publiées sans le moindre contexte et sans l’autorisation des intéressés, semblent accuser ces jeunes par essence. L’esthétique même de la vidéosurveillance les dépeints comme des criminels. L’artiste a alors cherché une autre catégorie de population qu’il pourrait stigmatiser comme le fit alors la police londonienne…
Les visages des responsables de la crise financière
De 2007 à 2010, le monde des finances est marqué par une lourde crise qui marque la vie des citoyens à travers le monde entier. Parmis les responsables de cette crise, les médias et les citoyens identifient symboliquement les banques, établissements financiers et compagnies d’assurance. Utilisant ce symbole, et se servant d’une liste des cent personnes les plus puissantes de Londres établies par le magazine Square Mile (un magazine économique de la ville de Londres), Daniel Mayrit part à la recherche de leur visages sur des images de la vidéosurveillance de Londres. L’archivage de ces images prend alors spontanément une forme de fichage, de recherches de criminels.
Tous coupables sous les caméras de surveillance ?
Daniel Mayrit se défend de vouloir faire le procès de ces personnalités. En s’attaquant à des notables, il espère simplement soulever des questions importantes. La vidéosurveillance nous montre-t-elle intrinsèquement comme des criminels ? Que ce soit les portraits de jeunes de 2011 ou les visages des hommes d’affaire de la City, les images sont à chaque fois diffusées sans contexte et la notion de culpabilité émerge systématiquement. Pourquoi ? Le contexte d’utilisation de cette technologie influence-t-elle notre façon de lire les images ? La vidéosurveillance nous autorise-t-elle à stigmatiser des gens sans aucune autre forme de procès, parce qu’elle même est souvent utilisée comme preuve lors d’enquêtes policières ?
Inégaux face à la vidéosurveillance
Des cent personnes que Daniel Mayrit recherchait sur des caméras de surveillance, il n’en a trouvé que que quatre-vingt-dix-neuf. Il explique sur Lensculture :
« Au début, j’étais assez déçu, je pensais que mon projet n’avait plus de sens du fait de ne pas réussir à trouver cette centième personne sur des images de vidéosurveillance. Mais à la réflexion, cette absence sert complètement mon sujet : certaines personnes ont le pouvoir et l’argent de protéger leur vie privée de la vidéosurveillance, là où une personne normale restera impuissante. »
Site internet de Daniel Mayrit : danielmayrit.com