[box]Cet article fait partie du dossier de la semaine du 10.03.14 : Festivals photo, nouveaux enjeux[/box]
Dans notre interview de François Hébel, le directeur des Rencontres d’Arles reproche aux collectivités locales et nationales de ne pas avoir soutenu les Rencontres d’Arles dans l’opération d’achat des anciens ateliers SNCF. Un fait que réfute Daniel Barroy, chef de la mission photographique au ministère de la Culture. Il répond à nos questions.
Article écrit en collaboration avec Olivier Laurent, British Journal of Photography.
Olivier Laurent : Quelle est l’importance du festival pour le ministère de la Culture ?
Daniel Barroy : Pour nous, c’est la principale manifestation photographique en France. Elle est donc évidemment essentielle. Les Rencontres d’Arles sont le plus gros festival photo en France par son budget et par son nombre de visiteurs. En 2013, ils étaient 100 000 visiteurs payants, ce qui est pas mal. C’est aussi un festival important par sa durée, c’est-à-dire tout l’été. Enfin, il constitue un évènement important pour l’économie locale. Il a tout de même suscité la création de l’école de la photographie, qui a pour projet de déménager.
O. L. : Est-ce que le changement de directeur, prévu en 2015, est une chose positive pour le festival ?
D. B. : Je ne sais pas qui sera le nouveau directeur. Pour 2014, c’est François Hébel qui assure la direction. Nous avons reçu 17 candidatures. Certaines sérieuses, d’autres moins. Je ne sais pas in fine qui sera choisi. Il est clair que François Hébel a inscrit le festival dans une optique professionnelle. Grâce à lui, les Rencontres d’Arles ont une renommée internationale. La semaine inaugurale est notamment devenue un moment de rencontres important entre professionnels de la photographie. Aujourd’hui, tout va dépendre du projet de celui qui prendra en charge l’évènement, soumis à des enjeux à court terme et à long terme. Dans un premier temps, il va y avoir les travaux sur la zone des ateliers, qui seront de toute façon incontournables. Il va falloir se poser la question de la dimension et du nombre des expositions. Il faudra réfléchir à des solutions plus ou moins permanentes, plus ou moins provisoires. Une deuxième question se pose autour de l’articulation des institutions au sein des Rencontres d’Arles. La première institution, c’est la plus ancienne, la ville d’Arles. La seconde est plus récente mais plus riche : la Fondation Luma. Et enfin, il y a Actes Sud, qu’il ne faut pas oublier dans le paysage. Il faut aussi se demander comment maintenir l’éclat du festival. Les Rencontres sont un vrai lieu d’échange sur la photographie et son évolution.
O. L. : Comment se déroule la sélection du nouveau directeur ?
D. B. : Suite à un appel à candidature, clos en février, nous avons reçu 17 candidatures. Une pré-sélection va être faite par le président des Rencontres, Jean-Noël Jeanneney, et sans doute par un petit comité qui réunira les membres du conseil d’administration du festival ainsi que les financeurs publics que sont l’Etat, la ville et la région.
O. L. : Est-ce que François Hébel participe à cette sélection ?
D. B. : Non. Il m’étonnerait fort que François Hébel ne suive pas cela, mais évidemment, il n’y participe pas.
O. L. : Est-ce qu’un directeur en bons termes avec la Fondation Luma serait préférable au festival ?
D. B. : Qu’est-ce que cela veut dire « en bons termes » ? C’est évidemment tout le sujet. S’ils commencent par s’envoyer des noms d’oiseaux, cela va être très compliqué. Si le nouveau directeur donne les clefs du festival à la Fondation Luma, cela peut être tout aussi compliqué. Il va falloir trouver un équilibre qui, à mon sens, se définira dans le temps. Nous avons quand même tous une interrogation : comment la Fondation Luma va-t-elle faire évoluer son projet ? Étant entendu que la Fondation Luma et que les Rencontres d’Arles ne sont plus chez elle. La Fondation a donc son projet et elle le développe. Bravo et Merci. Mais il va falloir trouver une articulation avec le festival. Et cela vaut pour Luma comme pour Actes Sud, dont je rappelle qu’ils récupères des locaux aux ateliers, au bout du terrain. Il y a aussi une autre incertitude qui est la municipalité d’Arles. Je pense que le maire sera réélu, mais ce n’est pas acquis.
O. L. : Est-ce que le nouveau directeur devra se consacrer entièrement au festival ? Je pense, par exemple, à Julien Frydman qui s’occupe de Paris Photo. Est-ce compatible de s’occuper de deux grosses organisations comme celles-ci ?
D. B. : Je n’en sais rien. C’est aux intéressés de voir. Pourquoi pas. Le temps est une notion souple. Je m’interroge plutôt sur les compatibilités idéologiques et éditoriales que cela peut porter. Paris Photo est une foire commerciale, qui présentent des expositions de collections privées. Je pense qu’une indépendance éditoriale est tout de même importante. Évidemment, je n’ignore pas que le choix des galeries fait à Paris Photo ne dépend pas de Julien Frydman mais d’un comité…. Je n’ai pas d’opinion.
O. L. : Les rumeurs parlent d’une indemnité pour François Hébel…
D. B. : Je ne peux pas vous répondre. Les Rencontres d’Arles sont une association privée, un employeur privé. Je subventionne et je regarderai les comptes à la fin de l’année pour voir comment tout cela est budgeté. En tout état de cause, la contribution de François Hébel au festival, à son évolution et son économie, à été considérable. Maintenant, il y a une question qui, à mon avis, constitue le véritable enjeu pour le prochain directeur : ce sont les finances du festival. Les fonds publics, au mieux, seront stabilisés. La croissance des Rencontres d’Arles doit se faire dans une économie et un écosystème qui reste à définir, mais qui procédera d’une approche privée. C’est tout l’enjeu, et ce, dans un écosystème de la photo qui est aujourd’hui complexe, fragile et en pleine mutation.
[box]Cet article fait partie du dossier de la semaine du 10.03.14 : Festivals photo, nouveaux enjeux[/box]